Valérie, Nicole et Françoise travaillent au centre d’appel Armatis, situé à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Avec plusieurs dizaines de leurs collègues, elles sont en lutte depuis le 30 mai pour obtenir 200 euros net d’augmentation, ainsi que des tickets restaurant pour l’ensemble des salariéEs.
Pouvez-vous vous présenter ?Françoise Pedretti, je suis depuis onze ans chez Armatis, en tant que téléconseillère senior. Je suis syndiquée à Force ouvrière, et j’étais auparavant à la CGT.Nicole Albouy, je suis rentrée à Armatis il y a quinze ans. Je suis déléguée syndicale FO et sans poste fixe dans l’entreprise depuis plusieurs années. Valérie Di Paola, je suis téléconseillère senior à Armatis depuis avril 2000, et à la CGT depuis 2001. Je suis déléguée du personnel au comité d’entreprise depuis 2001 et élue au CHSCT depuis 2004.Quelles sont les conditions de travail dans votre entreprise ? Notre centre d’appel a la spécificité d’être un centre d’appel en réception : nous enchaînons les appels, sans possibilité de maîtriser les cadences. Certains services reçoivent 100 appels par jour, d’autres plus.Beaucoup d’appels sont difficiles à gérer, par exemple des usagers victimes de coupures d’électricité, avec lesquels il faut avoir de l’empathie et écouter malgré les difficultés et les pressions. Des collègues ont des problèmes de fatigue auditive qui peuvent mener à la surdité avec les appels à répétition et l’atmosphère de bruit permanent. Également de la tension oculaire à force de rester devant les écrans. Le travail est pénible, mentalement dur, et seules des activités annexes (syndicalisme, activités personnelles) permettent de tenir. Nous avons 30 minutes de pause par jour, en plus du repas. Nous sommes un prestataire externalisé, nous sous-traitons pour des donneurs d’ordres. Donc nous n’avons pas les droits, acquis et conventions collectives que peuvent avoir les salariés des centres d’appel des grandes entreprises, comme EDF. Armatis vend notre savoir-faire, mais nous ne recevons rien en retour. On garde malgré tout la fierté de notre travail, notre formation, nos compétences, notre confiance en nous. Nous sommes valorisés par les gens qui appellent, mais pas par notre patron. Comment votre lutte s’est-elle déclenchée ?Le 13 mai, avait eu lieu un débrayage à la suite d’un appel de la CGT.Le 20 mai, une réunion des délégués du personnel s’est tenue pour demander des comptes à la direction sur les augmentations de salaires de certains managers. On nous a répondu que c’était en raison de leurs performances, ce qui a soulevé l’indignation des salariéEs. Les salaires plafonnent à 1 100 euros net depuis dix ans, alors que le patron-actionnaire a touché 223 000 euros de dividendes en 2009 ! Le 30 mai, les salariéEs ont fait une journée de grève, suivie d’une demi-journée le 31, puis de deux autres jours de grève les 6 et 7 juin.Quelles sont vos revendications ?Nous voulons 200 euros net d’augmentation, intégrés au salaire fixe, ainsi que des tickets restaurant pour tous. Nos revendications ne sont pas négociables. Quelles sont vos perspectives ?Nous devons rester mobiliséEs et uniEs. Lundi 20 juin, il y a un appel national et intersyndical à la mobilisation dans les centres d’appel, sur la question des salaires. Nos collègues d’Armatis-Calais seront en grève. Quel est votre sentiment sur ce qui se passe en ce moment dans le monde arabe, en Grèce, en Espagne ?C’est la récession partout ! Comment peut-on en arriver à un État entier, la Grèce, en situation de faillite ? On fait payer la crise aux salariés. Le gros fait payer le petit. Beaucoup de salariés sont originaires du Maghreb, et on peut penser que les révolutions arabes ont un impact, même inconscient. Exemple-phare avec les salariés en grève criant comme slogan devant un DRH : « Nous sommes tous des Tunisiens ! » Les salariés en parlent, il y a une prise de conscience. Auriez-vous un message à faire passer ?Nous remercions le NPA pour son implication, les collectes, la présence d’Olivier Besancenot ! Mais nous ne remercions pas notre direction.Propos recueillis par Yoann S.