François Hollande a fait de « l’inversion de la courbe du chômage » le signe qui justifierait qu’il se représente à la présidentielle. Dès lors tout est bon pour habiller de rose la réalité.
Le chiffre commenté sur tous les médias – et qui a baissé en septembre (de 0,7 %...) – est le nombre de chômeurs inscrits dans la catégorie A. À écouter ce gouvernement, c’est le début de l’inversion de la courbe... Il est d’abord évident qu’une baisse de 23 800 personnes par rapport à 3 547 800 ne change évidemment pas la situation sociale en France.
De plus, ne font partie de cette catégorie A que les chômeurs qui n’ont pas du tout travaillé. Ainsi, si le conseiller Pôle emploi vous a proposé un stage plus ou moins utile, si vous vous êtes démené pour trouver quelques heures de travail par semaine, si vous êtes sur un contrat aidé dont la fin se rapproche, si vous êtes enceinte… Dans toutes ces situations, vous vous considérez comme au chômage, vous aimeriez bien trouver un travail, et d’ailleurs vous en cherchez un… Mais vous n’êtes pas dans la catégorie A mais dans une autre moins visible ! Ainsi, plus de 1,7 million de personnes cherchent du travail, mais sont selon le vocabulaire officiel en « activité réduite » : elles sont donc comptées en catégories B ou C. Les A plus les B plus les C, cela fait 5 422 700 personnes fin septembre... et leur nombre, lui, a augmenté. Et avec les catégories D et E qui regroupent les personnes non immédiatement disponibles pour travailler (stagiaires, malades, enceintes), on arrive à 6 111 300 personnes !
Toujours plus de précaires
En avril 2012, avant que François Hollande ne gagne la présidentielle, il y avait près de cinq millions (4 925 800) de chômeurs, toutes catégories réunies. Soit en l’espace de trois ans, une augmentation de plus d’un million en trois ans (1 185 500). Voici donc la France réelle en septembre 2015 : plus de six millions d’hommes et de femmes sur la touche, sans emploi ou vivotant dans la précarité du sous-emploi, du temps partiel subi, de l’intérim.
Sous cet angle, il est particulièrement intéressant de regarder l’évolution des seules personnes disponibles immédiatement pour un emploi (A+B+C). Que s’est-il en fait passé en septembre ? Le nombre des chômeurs totaux a légèrement baissé et celui des précaires (qui ont une « activité réduite » et cherchent autre chose) a augmenté d’environ 1,3 % ! Et c’est la tendance essentielle : sur un an (entre septembre 2014 et septembre 2015), le nombre des A a augmenté de 3,1 % (y compris la légère baisse de septembre 2015) et celui des B et C d’environ 10 %. On verra en octobre comment évoluera le nombre des personnes en catégorie A mais une chose est sûre : avec Hollande-Valls, le nombre des précaires explose !
Cependant, Manuel Valls y est quand même allé de son couplet de victoire : « C’est le résultat de la conjoncture que tout le monde connaît, c’est le résultat des réformes que nous avons engagées et cela doit nous amener à poursuivre », a déclaré le Premier ministre. Le cap est donc maintenu : après le Pacte de responsabilité – 40 milliards d’euros de baisses d’impôts et de cotisations employeurs qui gonflent les marges des entreprises mais pas leurs effectifs – et la loi Macron, en route donc vers un nouveau code du travail allégé pour plus de flexibilité et de précarisation du marché.
Tous touchés !
Autres éclairages, l’âge et la durée du chômage. Le gouvernement se prévaut avant tout de la baisse du chômage des moins de 25 ans, cible de nombreux dispositifs « aidés » (emplois d’avenir, garantie jeunes, contrats de génération, relance de l’apprentissage). Il est exact que le nombre de jeunes chômeurs de catégorie A a régressé de 2,6 % en septembre (et de 2,7 % sur un an). Mais du côté des jeunes B et C (activités réduites), l’augmentation est de 9,7 % en un an. C’est clair, la précarité des jeunes progresse. Et du côté des 50 ans et plus, le chômage augmente dans toutes les catégories ! Enfin, le chômage de longue et de très longue durée n’en finit pas de progresser : 44,8 % des chômeurs le sont depuis plus d’un an, et cela concerne en premier lieu les plus de 50 ans !
Les salariéEs savent bien que la perte d’un emploi après un certain âge signifie une forte probabilité de chômage, alors que l’horizon de la retraite est repoussé. Perdre son emploi, c’est bien plus que de perdre sa chemise : ceux pour qui les salariéEs ne sont que des pions et pour qui les chômeurs ne sont que des chiffres que l’on évoque le plus abstraitement possible, feraient bien de s’en souvenir.
Henri Wilno