Le 17 novembre, ce sont près de 300 000 « gilets jaunes » qui ont participé à plus de 2 000 rassemblements et/ou actions de blocage. Il s’agit d’un fait politique et social majeur, avec une mobilisation massive et inédite contre le gouvernement Macron, qu’il convient de considérer dans sa complexité mais sans nier l’évidence : le 17 novembre, c’est une politique de classe, menée par un gouvernement au service des riches, qui a été dénoncée. Une colère légitime à laquelle il s’agit désormais de donner un prolongement par une mise en action du mouvement social.
L’ensemble des témoignages et des reportages le confirment : si c’est l’augmentation des taxes sur les carburants qui a été l’élément déclencheur de la mobilisation des « gilets jaunes », de nombreuses autres revendications ont été portées et entendues dans les divers rassemblements.
Colère contre une politique de classe
Ont ainsi été dénoncées, plus globalement, la vie chère, les injustices fiscales, l’abandon de certaines catégories de la population, notamment dans les campagnes et les petites villes… La colère qui s’est exprimée est bien celle des catégories populaires, même si leurs mobilisation a été diverse et inégale selon les zones géographiques, et elle a parfois pris des formes très radicales, avec des blocages qui ont pu durer plusieurs jours. Une réponse au mépris affiché par Macron et à sa politique au service des riches, entre autres au niveau fiscal : augmentation des taxes, payée au prix fort par les plus pauvres, mais exonérations d’impôts pour les plus riches et les capitalistes avec le CICE, la « flat tax » et la suppression de l’ISF.
Le prétexte de la lutte contre le réchauffement climatique, avancé pour justifier les augmentations des taxes sur les carburants, est une sinistre farce de la part d’un gouvernement qui, par ses politiques, pousse les classes populaires en dehors des centres-villes et des zones urbaines, fait fermer des milliers de kilomètres de voies ferrées et oblige à faire des dizaines de kilomètres pour trouver des hôpitaux et des écoles. Comble de l’hypocrisie : on a appris le 19 novembre que le projet de loi de finances rectificative pour 2018 transférait 577 millions d’euros de recettes de la taxe sur les carburants initialement destinés au budget de la transition écologique pour les réaffecter au budget général…
Aucune concession à l’extrême droite
Si la colère est légitime, il ne s’agit pas pour autant de repeindre en rouge la mobilisation et de nier les difficultés, voire les problèmes majeurs qu’elle pose. Ainsi, si l’on peut affirmer que la droite et l’extrême droite ont échoué dans leur tentative de se poser en porte-parole de la mobilisation, il serait dangereux de nier le rôle que les militants d’extrême droite ont pu jouer dans l’organisation de certaines des initiatives du 17 novembre. Il serait tout aussi néfaste de ne pas tenir compte de l’expression, sur divers points de barrage, de positions racistes, islamophobes, sexistes ou homophobes, et de ne pas les condamner par pur opportunisme. Quelles que soient les spécificités de la mobilisation qui s’est amorcée le 17 novembre, et quand bien même elle ne saurait évidemment être réduite à ces expressions, il faut réaffirmer que les luttes contre les oppressions et les discriminations ne sont pas secondaires, et que les divisions entretenues au sein de notre camp par les courants réactionnaires doivent être sévèrement combattues.
Ne pas opposer écologie et social
Il est en outre essentiel de refuser la désagréable petite musique que certains essaient de jouer, qui tente de mettre en opposition revendications sociales et revendications écologiques, qu’il s’agisse pour eux de soutenir les « gilets jaunes » ou de les invectiver. Le gouvernement porte évidemment une large part de responsabilité dans cette mise en opposition, du fait de sa politique anti-pauvres au prétexte de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais au-delà, il est nécessaire de rappeler que l’écologie et le social ne sont pas en concurrence, bien au contraire : non seulement ce sont les plus pauvres qui sont les premières victimes des catastrophes écologiques mais, en outre, la sortie du capitalisme productiviste est une revendication éminemment sociale, qui pourrait créer des centaines de milliers, voire des millions d’emplois, et offrir de substantielles améliorations des conditions de vie pour les classes populaires. L’écologie est, elle aussi, une affaire de classe.
Classe contre classe
Face à la politique de classe de Macron, il est urgent que le mouvement social se mette en action en mettant en avant des revendications de classe, afin que la colère manifestée le 17 novembre ne reste pas sans lendemain et que les contradictions qui s’y expriment se dénouent dans un sens positif, à l’opposé de toutes les récupérations et « solutions » réactionnaires. Diverses initiatives allant en ce sens existent déjà, constituées autour du 17 novembre, à l’instar des collectifs unitaires qui se sont constitués en Loire-Atlantique, en Haute-Garonne ou dans les Pyrénées-Orientales, avec des plateformes et des perspectives de mobilisations locales.
Le NPA appuie ces initiatives, et y défend des revendications pour que les colères se fédèrent contre le gouvernement : pour une augmentation générale des salaires, des pensions et des minimas sociaux, ainsi qu’une indexation des revenus sur les prix ; pour la suppression des taxes et autres impôts indirects injustes, à commencer par la TVA, et pour une réelle taxation des grandes fortunes et des profits des grandes entreprises ; pour un développement massif des services publics, des transports en commun, des solutions écologiques alternatives au tout-voiture et au tout-camion.
Des revendications qui ne pourront être imposées que par un mouvement de grève et de blocage de l’économie du pays, principale arme aux mains de notre camp social. Afin que la colère contre la politique de Macron, dont le mépris n’a aujourd’hui d’égal que l’impopularité, puisse se faire entendre de manière durable… et victorieuse.
Julien Salingue