Publié le Dimanche 9 septembre 2012 à 09h36.

Droit au logement : Il y a urgence à la Maladrerie !

Le Collectif 76 occupe depuis le 15 juin le foyer de la Maladrerie à Rouen. Cet ancien foyer d’hébergement, destiné aux femmes seules avec enfants, a fermé ses portes alors que 50 personnes au moins restent, en moyenne, sans solution d’hébergement chaque soir sur l’agglomération rouennaise.Le 15 août, au 62e jour d’occupation, les bénévoles Claire, Christophe et Corentin ont répondu à nos questions.Pouvez-vous présenter le Collectif 76 ?Le collectif a été créé en 2002 au moment où le secteur social et médico-social était la cible de diverses attaques du gouvernement tant au niveau des budgets que des outils de travail et des conditions d’exercice. Il regroupe des salariéEs d’organismes privés et publics, syndiquéEs ou non, travaillant dans les champs de l’hébergement, de l’insertion sociale et professionnelle, de la santé, du handicap, de la justice. Le but était de tisser des liens entre nos différentes « boîtes », de réfléchir sur nos pratiques mais aussi de s’engager dans des luttes. En 2011, nous avons accouché d’un texte manifeste lisible sur notre blog.Depuis décembre dernier, vous êtes dans l’action permanente...La question de l’hébergement d’urgence a focalisé le ras-le-bol. Mais c’est tout notre secteur qui est frappé par la logique implacable des restrictions budgétaires et de la marchandisation. Toutes les associations financées par le conseil général et l’État ont vu leurs subventions diminuer : 30 % de baisse par exemple dans le domaine de l’insertion des adultes. Les associations rentrent en concurrence. Nos missions ne sont plus en adéquation avec les moyens qu’on nous octroie. Du côté des salariéEs, des dizaines de licenciements ont eu lieu, des dizaines d’autres ont été mutés par le jeu des restructurations, les contrats précaires sont légions. Pour tous, c’est la dégradation des conditions de travail. Du côté des personnes suivies, les conséquences sont graves : l’absence de réponse, le flicage voire la violence institutionnelle.

Pourquoi avoir pris la décision d’occuper la Maladrerie le 15 juin ?Il y avait une opportunité évidente, quand on a appris la fermeture de ce foyer, doté de treize appartements, avec une qualité d’accueil hors du commun, notamment grâce aux pratiques militantes de ses salariéEs, alors que des dizaines de personnes dorment dans la rue chaque soir ! L’hébergement est un droit fondamental, reconnu comme tel depuis février 2012, et pourtant il est sans cesse bafoué. Et puis c’était l’avant-veille du deuxième tour des législatives... depuis des mois, les élus de gauche locaux nous disaient « nous ne faisons que répercuter les décisions prises en haut, par le gouvernement ». On voulait voir si « le changement » c’était vraiment « maintenant ». On a donc adopté un mode d’action plus radical.

Quelles sont vos principales revendications ?La réouverture du foyer de la Maladrerie, l’application de la loi de réquisition par les municipalités, l’arrêt des procédures judiciaires à l’encontre de tous ceux qui agissent pour ne pas laisser dormir les gens à la rue, et l’augmentation des budgets des associations. Pour l’instant, aucun dialogue n’a été établi, ni avec l’État ni avec le conseil général... tout le monde nous oppose silence et mépris. Par contre, l’association propriétaire de la Maladrerie, l’ONM, nous a assigné en justice pour obtenir notre expulsion.

Comment se passe l’occupation ?Douze familles avec huit enfants ont été hébergées, les militants du collectif et leurs soutiens se relaient jour et nuit pour assurer une présence permanente. On avait tablé sur un élargissement de l’implication des travailleurs sociaux au début de l’occupation, mais c’est finalement l’arrivée massive (et inédite) des soutiens1 qui permet que cela fonctionne. Il y a une AG quotidienne à 18 heures : tout le monde s’y exprime à égalité, les familles sont associées aux décisions. L’ambiance est conviviale. Tous les vendredis, il y a un spectacle musical.

Et du côté des actions ?Après le drame de Mantes-la-Jolie [un homme de 51 ans s’est immolé par le feu dans les locaux de la CAF de Mantes], nous avons manifesté devant la préfecture, le Conseil général, la mairie de Rouen, la Communauté d’agglomération (CREA), la CAF, muré symboliquement le local du PS de Rouen. Nous sommes intervenus lors la fête de la musique et du festival Vivacité. Nous avons accueilli des personnalités comme Jacques Gaillot, préparé rassemblement devant le conseil général le 5 septembre. Nous préparons également des actions en justice (référés-liberté) pour faire appliquer le droit à la continuité de l’hébergement pour les familles.

Avez-vous des liens avec d’autres collectifs ?Oui, nous cherchons des contacts avec d’autres, notamment avec le Groupe défense travail social (GPS) de Toulouse, le collectif Jeudi Noir...1. SUD Santé Sociaux, DAL, RESF, NPA, SUD PTT, Solidaires, CGT Apave, SUD CT, CFDT ONM, LDH, CNT 76, PG, AL, FA, CDLF, SUD Justice, les IndignéEs Rouen, la Fase, Jeudi noir, GPS.Le blog du collectif :salariesdusocial.over-blog.com