Du 20 au 26 novembre s’est tenue la 27e Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH), supposée faire se rencontrer entreprises, politiques, associations, société civile et bien entendu demandeurs d’emploi en situation de handicap. L’occasion pour l’Anticapitaliste de faire le point.
Dans le monde du travail en 2023, des tranches entières de travailleurEs n’ont toujours pas accès à des droits pourtant reconnus comme inaliénables pour tout travailleurE et même pour tout être humain. Parmi eux et elles, les travailleurEs en situation de handicap. Pour beaucoup l’entrée dans le monde du travail se fait par les établissements de service et aide par le travail (Esat) tenus par les antennes régionales et départementales des Adapei/Unapei (Association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés/Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés). Ces associations sont censées accompagner les travailleurEs handicapés vers l’autonomie professionnelle et être à but non-lucratif.
Une lutte pour le droit à la grève et la syndicalisation
La réalité est tout autre car, relevant du médico-social et non du code du travail, les travailleurEs en situation de handicap sont considérés comme des usagerEs et non des salariéEs. Cette situation aboutit à de multiples dérives. En effet, sous couvert d’accompagnement à l’insertion professionnelle, les ESAT produisent des contrats de sous-traitance qui ne disent pas leur nom et n’offrent aux travailleurEs presqu’aucune des protections du droit du travail : licenciements illégaux sans indemnités, pas de droit au chômage, pas d’indemnité de départ à la retraite, retraites de misère. Récemment les droits à la grève et à la syndicalisation leur ont été accordés. N’allez pas croire que ceci serait une faveur du gouvernement, cette victoire est le fruit de la lutte acharnée des premierEs concernéEs.
En interne (ateliers des UNAPEI), les travailleurEs effectuent des tâches à moindre coût pour des entreprises partenaires des Adapei dans des conditions médiocres (manque de respect, cadences inadaptées aux handicaps). En externe (Esat hors-murs), leur travail est sous-traité à des entreprises ou des collectivités, et beaucoup sont utiliséEs comme main-d’œuvre corvéable pour les tâches ingrates des entreprises et sans prise en compte de la nécessité de postes de travail adaptés ; les collectivités sont généralement plus respectueuses des salariéEs en situation de handicap (même si il peut y avoir des dérives, il y en a moins que dans les entreprises).
Un travail sous-payé
Dans les deux cas, la sournoise nuance de statut permet dans les faits que les travailleurEs en situation de handicap travaillent autant que les valides mais soient payés moitié moins à travail égal. Ainsi pour les 35 heures, la rémunération ne dépasse pas 700 euros et pour les 17,5 heures, cela oscille entre 300 et 450 euros. Et aux entreprises de ne donner qu’une participation dérisoire (100-200 euros environ).
Beaucoup de travailleurEs bénéficient de l’Allocation adulte handicapée (AAH) mais celle-ci est parfois supprimée en cas d’emploi ou alors calculée à la baisse par rapport à la rémunération. Complète, elle culmine à 971 euros (pour une personne ne pouvant pas du tout travailler). De fait cela maintient les personnes avec handicap dans la précarité financière.
Quant à « l’accompagnement à l’autonomie », seuls 1 % des travailleurEs d’Esat sortent du milieu « protégé » pour rejoindre le « milieu de travail ordinaire » chaque année.
Les travailleurEs porteurEs de handicaps acquis (maladies dégénératives, maladies professionnelles) ne sont guère mieux traités. La plupart du temps les entreprises refusent d’adapter leurs postes de travail et/ou les licencient pour inaptitude, les transformant en travailleurEs précaires forcés d’accepter n’importe quel travail pour subsister ou... d’intégrer les Esat.
Les travailleurEs en situation de handicap sont traités comme des sous-travailleurEs par un monde du travail vérolé par le capitalisme. Variable d’ajustement ne coûtant presque rien aux entreprises et à des associations dont le but est souvent plus lucratif qu’accompagnant. Mais le vent est en train de tourner : de plus en plus de travailleurEs handicapés se politisent, relèvent la tête et refusent d’être traités comme du bétail. Avoir réussi à arracher le droit de grève et le droit de syndicalisation est une importante victoire qui doit en appeler d’autres. Ne cessons pas de lutter pour obtenir les mêmes droits que les valides et en gagner de nouveaux pour toutEs !