« Rapport alarmant de l'Inspection générale des finances sur les hôpitaux » titrait le Monde du 27 mai tandis que les Échos affichaient en Une : « Alerte sur la situation financière des hôpitaux ». Trois jours plus tard pourtant, nouveau titre : « Pour la première fois, l'hôpital public affiche un excédent budgétaire en 2012 ». Alors, situation catastrophique ou embellie ?Les hôpitaux se sont massivement endettés ces dix dernières années, passant de neuf milliards d’euros de dettes en 2003 à plus de 28 milliards fin 2012. Dans son rapport, l’inspection générale des finances fait aujourd’hui mine de le découvrir… alors que cet endettement a été organisé par le pouvoir, en particulier à travers les « plans » Hôpital 2007 et Hôpital 2012. En effet, les ministres de la Santé Mattéi (en 2002) puis Bertrand (en 2007) ont chacun lancé leur plan pour tenter de faire face à l’état de vétusté avancé de nombre d’établissements. Des plans coûtant bien peu à l’État puisqu’il s’agissait essentiellement d’un droit pour les hôpitaux à… s’endetter auprès des banques pour parer au plus pressé. Autorisation d’endettement d’autant plus importante que les établissements étaient bons élèves en matière de restructurations ! En même temps, le plan Hôpital 2007 prévoyait une profonde réforme du financement, la T2A (tarification à l’activité). Désormais les recettes des hôpitaux dépendent de la cotation des actes réalisés, avec un tarif fixé arbitrairement par le gouvernement : une réforme qui a largement contribué au déficit des hôpitaux.
Des économies sur le dos des personnelsDix ans plus tard, en pleine crise de la dette publique et après que bien des établissements aient été victimes d’emprunts toxiques, les pouvoirs publics font semblant de s’émouvoir. Comment, dans une telle situation, les 2 000 hôpitaux publics ont-ils généré en 2012 un excédent évalué à 137 millions d’euros par le ministère de la Santé alors que leur déficit était de 325 millions en 2011 ?Pas vraiment grâce à un miracle… car si une petite partie de cette amélioration est due à quelques changements dans les règles comptables, l’essentiel des 450 millions d’euros récupérés vient (pour une petite part) de la vente de biens immobiliers, et surtout des économies sur les dépenses de personnel. Depuis cinq ans, elles augmentent moins vite que les recettes des hôpitaux, pourtant fort contraintes. Comme le dit élégamment la DGOS (direction générale de l’offre de soins) dans un communiqué : « Cette amélioration traduit les efforts de productivité entrepris par les hôpitaux depuis plusieurs années »… Des « efforts » que Marisol Touraine entend bien continuer à exiger alors que la Cour des comptes a récemment estimé que les restructurations hospitalières ne vont pas assez vite.
De l'endettement au démantèlementDerrière les titres chocs de la presse et des chiffres qui semblent se contredire, la réalité est banalement simple : depuis des années les gouvernements organisent avec constance le démantèlement de la santé publique, fermant des services, regroupant des hôpitaux, créant des déserts sanitaires tout en faisant des ponts d’or au privé avec des financements publics mais aussi à travers de scandaleuses « fusions » d’hôpitaux locaux et de cliniques. Jackpots assurés pour le privé… sur le dos des populations, pour qui la santé a désormais un coût inaccessible à beaucoup, et des salariés dont les conditions de travail s’aggravent tandis que les salaires sont remis en cause en même temps que les statuts et conventions collectives.Alors, face au scandale de l’endettement des hôpitaux auprès des banques, des mesures d’urgence et de santé publique s’imposent : l’annulation immédiate de cette dette et, en parallèle, l’annulation de tous « plans de retour à l’équilibre » et autres « plans d’amélioration des résultats » que pouvoirs publics et directions d’hôpitaux imposent aux personnels et aux usagers.Une raison de plus de manifester le samedi 15 juin à l’appel de nombreuses associations et syndicats, avec le soutien de partis politiques, dont le NPA, pour la défense de la santé publique, l'accès aux soins pour tous et toutes.Isabelle Ufferte