Alors que le mois de juin a été ponctué par de nombreux arrêts de travail tant en presse quotidienne nationale que dans le labeur, l'été s'annonce lourd de menaces pour toutes les branches de la profession. Les 80 salariés de Déjà GLMC (Val-d'Oise) espèrent un repreneur alors que leur imprimerie spécialisée dans l'affiche grand format est mise en liquidation. Mais la situation semble plus désespérée dans deux groupes majeurs : Laski à Tours et Circle Printers en Île-de-France.
À Tours, malgré les journées de grève et de mobilisation du personnel, Gibert Clarey Rotatives est mis en liquidation avec ses 97 salariés. Mame Imprimeurs espère encore un repreneur pour ses 140 salariés mais...En Île-de-France, les anciens du groupe Quebecor (maintenant Circle Printers) payent l'absence d'investissement par le puissant groupe mondial qui a déjà liquidé une grosse moitié de ses activités en France en quelques années. Sur les sites de Mary-sur-Marne, Pontaut-Combault (Seine-et-Marne) et Corbeil (Essonne) l'administrateur judiciaire a proposé un plan comprenant de gros reculs sociaux et 200 licenciements. Par référendum, les salariés ont repoussé le plan qui menace dorénavant de vendre les différents sites séparément ouvrant toutes les craintes sur l'avenir de l'unité de routage possédée à 50 % par Circle Printers. Enfin le groupe Inter-routage/Leval se lance dans des suppressions de postes par vagues de neuf pour éviter un plan social (à partir de dix), et prépare un regroupement des deux entreprises sur le site d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) malgré les efforts des élus CGT.
En presse quotidienne, dix-sept postes sont supprimés à la rédaction de la Tribune et 35 emplois sont liquidés dans le portage du titre, causant plusieurs jours de grève. Le Monde a été bloqué à plusieurs reprises pour défendre l'existence même de l'imprimerie à Ivry (Val-de-Marne). Le plan actuel de la nouvelle direction laisse 140 salariés sur le carreau. Enfin, début juillet, la destruction d'un acquis démocratique issu de la Résistance cause 48 heures d'arrêt de la presse parisienne. La loi Bichet de 1947 assurait en effet une distribution égale pour tous les titres afin d'offrir au lecteur le pluralisme des opinions. Les états généraux de la presse voulus par Sarkozy en ont décidé autrement : l'aide aux journaux doit dorénavant se concentrer sur ceux qui gagnent de l'argent. Paradoxe puisque ce sont précisément les autres, représentant parfois des idées minoritaires, qui en toute logique ont besoin d'être soutenus au nom de la démocratie ! Les sénateurs Legendre (UMP) et Assouline (PS) l'ont transcrit dans leur projet de loi. Sous pression de la CGT, les députés PS font tardivement machine arrière. Reste que la majorité UMP se fera sans doute une joie de briser l'esprit coopératif de la distribution que l'Europe entière nous enviait. D'autant qu'au passage on annonce un nouveau plan de restructuration chez Presstalis (ex-NMPP) avec 85 suppressions de postes.
Pourtant des solutions existent en mordant sur les profits des grands groupes. Notamment par le retour des travaux délocalisés pour cause de dumping social (dont le coût écologique est considérable) et en refondant un véritable pluralisme autour d'un pôle public d'impression et de distribution.
Jean-Yves Lesage