Publié le Vendredi 2 janvier 2015 à 07h55.

L’inspection du travail et les prud’hommes dans le collimateur !

Dans la continuité des réformes engagées depuis 2012, le projet de loi poursuit l’affaiblissement de l’inspection du travail et des conseils de prud’hommes.

Ça sent toujours plus le sapin pour l’inspection du travail

Déjà mise à mal par la réforme Sapin qui supprime 10 % de ses effectifs et qui vise à réorienter son action en limitant son autonomie, le projet Macron cherche à faire passer par ordonnance le projet de loi qui modifie ses pouvoirs, projet déjà retoqué en janvier 2014 par le Parlement.

Or ce projet, qui concerne le régime des sanctions en droit du travail, prévoyait de remplacer le système actuel d’amendes pénales décidées par jugement d’un tribunal par des amendes administratives décidées par les Direccte – Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi –, un titre qui résume la place de l’inspection du travail dans ces services institués dans l’intérêt unique de l’entreprise... Les patrons pourraient ainsi échapper au procès pénal et négocier le montant de leurs amendes avec le Direccte, soumis à l’autorité du préfet et des politiques et dont les intérêts de carrière ne sont évidemment pas compatibles avec la défense des travailleurEs (cf. l’affaire Tefal 1). Le Direccte pourrait même décider d’engager une transaction pénale avec un patron délinquant et donc de mettre fin à un procès pénal engagé par l’agent de contrôle !

Les salariéEs et leurs organisations syndicales ne pourraient plus être partie au procès ni se constituer partie civile... Le même sort semble prévu pour le délit d’entrave aux IRP – Institutions représentatives du personnel –, que Hollande souhaite dépénaliser... comme l’a demandé le Medef dans son « livre jaune ». Aussitôt demandé, aussitôt fait !

Les conseils de prud’hommes mis au pas

Déjà mise à mal par des saignées sous l’ère Sarkozy et par la suppression – toute récente – de l’élection directe des conseillerEs par les salariéEs, le projet accentue le rapprochement de cette justice du travail à la justice ordinaire, en transformant les juges élus, les conseillerEs prud’homaux, en simples assesseurs des magistrats professionnels. Les jugements rendus par les seuls conseillerEs prud’homaux sont en effet suspects d’être trop favorables aux salariéEs. Il s’agit donc de les mettre au pas et de multiplier l’intervention des magistrats professionnels.

Plusieurs changements notables sont donc contenus dans le projet, à commencer par la remise en cause de la compétence exclusive des prud’hommes. En introduisant dans le droit du travail les procédures de médiation et de convention participative issues du droit civil, Macron veut développer le règlement des litiges en dehors des prud’hommes et accréditer l’idée que les patrons et salariéEs pourraient négocier leurs différends sur un pied d’égalité...

De plus, est créé un bureau de conciliation et d’orientation, avec extension de la formation restreinte. Avec l’accord des parties, ce nouveau bureau pourra renvoyer l’affaire directement vers le bureau du jugement pris dans sa composition restreinte (un conseillerE employeur, un conseillerE salarié), mettant fin de fait à l’obligation préalable de trouver un terrain d’entente avant tout procès. Mais surtout, sur demande du bureau de conciliation, l’affaire pourra même être directement renvoyée en formation de départage, composée de deux conseillerEs et présidée par un juge professionnel, soit par accord des parties, soit en cas de partage du bureau. Ceci met quasiment fin à la formation du bureau de jugement au complet (4 conseillerEs). Et cette décision ne sera pas susceptible d’appel.

Véritable encadrement disciplinaire des conseillerEs, une nouvelle procédure est mise en place en vue de prononcer la déchéance du mandat d’un conseillerE ainsi que pour faire reconnaître l’existence d’une « faute disciplinaire ». Une commission nationale de discipline est instaurée, composée de juges professionnels (alors que jusqu’à présent, les conseillerEs devaient s’expliquer devant leurs pairs). Des exigences de « dignité » et de « probité » sont ajoutées... Extrêmement floues et subjectives ! Un devoir de réserve est même créé. Enfin, pas question de faire grève : celle-ci sera désormais limitée, comme pour les juges professionnels. 

Enfin, il y a la place de l’avocat et du défenseur syndical. La représentation deviendrait obligatoire en appel, soit par un avocat soit par un défenseur syndical, c’est-à-dire un salariéE mandaté par une organisation syndicale. Celui-ci intervient sans protection contre le licenciement, mais est soumis à d’importantes obligations, sous peine d’être radié de la liste.

Avec l’ensemble de ces mesures, le gouvernement veut donc retirer aux salariéEs les quelques outils juridiques dont ils disposaient encore pour se défendre.

1 – Pour avoir mis en cause l’accord sur les 35 heures, l’inspectrice du travail Laura Pfeiffer subit depuis presque deux ans les pressions, le harcèlement conjugués de son administration et de la société Tefal (cf Libération N° 10392 mercredi 15 octobre 2014)