Décidément les épreuves de force sur des places font école. Cette fois encore le campement installé à Paris sur la place de la République par le DAL pour exiger du pouvoir qu’il réponde aux exigences des mal-logés a été payant. Des victoires, même partielles comme celle-ci, méritent qu’on s’y arrête.
En 2013 un campement du DAL s’était installé sur la même place (qui venait d’être rénovée) mais la confrontation avec la police avait été immédiate, et s’était prolongée... Une décision du tribunal administratif avait finalement annulé l’interdiction de manifester et l’installation du DAL était devenue une manifestation permanente autorisée. Avoir pu alors se maintenir avait été en soi un élément du succès. Cette fois-ci pas d’intervention policière, le pouvoir s’est bien gardé d’une nouvelle confrontation juridique qui aurait tourné à la sanction, et le jugement de 2013 en faveur du DAL fait aujourd’hui jurisprudence. La certitude de la présence durable sur la place de l’installation et le contexte dramatique des bateaux surchargés coulant en Méditerranée ont poussé les pouvoirs publics à une négociation rapide.Il a fallu tenir, mais les familles étaient très déterminées et avaient de bonnes raisons de l’être : 250 familles prioritaires DALO, c’est-à-dire reconnues par l’État comme prioritaires à l’accès au logement, et pourtant obligées de passer nuit et jour sur une place parisienne pour faire reconnaître ce droit ; 19 expulséEs d’un immeuble de Boulogne-sur-Seine, mis à la rue sans hébergement le 1er avril et qui sont venus à République ; 43 mineurs étrangers isolés (MIE) déjà en lutte depuis plusieurs mois pour la reconnaissance de leurs droits dans le cadre de la protection de l’enfance et pourtant à la rue. 312 familles, mineurs isolés et sans-abri, se sont donc relayés sur (la) place depuis le 31 mars... et ont démonté leur installation le 24 avril après une négociation positive ! Un accord a été signé avec la préfet de région garantissant l’hébergement pour toutes et tous, le logement progressif pour les familles DALO. Et le soir même, 26 mineurs étaient hébergés dans deux centres de la région parisienne.
Une expérience précieuseIl faut revenir sur la situation des MIE car leur combat n’est vraiment pas fini. Depuis 4 mois, ils sont en lutte pour la prise en charge de leurs besoins (hébergement, scolarité, santé, etc.) par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) dépendant de la mairie de Paris. L’ASE, par le biais de la PAOMIE (Permanence d’accueil et d’orientation pour les mineurs isolés étrangers) puis de la justice, leur refusait ce droit élémentaire garanti pourtant par la loi, contestant leur minorité : entretien – en fait interrogatoire – par des non-professionnels, tests osseux discriminatoires et non fiables, expertise documentaire invalidant systématiquement tous les documents...En 4 mois, de nombreuses actions ont étés faites par ces MIE soutenus par le collectif 127 (rassemblant organisations associatives, politiques) : occupation de la PAOMIE le 25 février, rassemblements hebdomadaires, cortège lors de grandes manifestations, campement de 12 jours devant la PAOMIE, pour finalement rejoindre le campement de République.Les 43 MIE ont donc gagné une première victoire : l’hébergement pour tous. Mais après, comment s’assurer de la durée de cet hébergement, et que les promesses sur la scolarisation soient tenues ? Une seule possibilité : le maintien d’un engagement des jeunes et d’un collectif de soutien fort, pour continuer à faire pression sur les acteurs publics. Et les autres, les nouveaux MIE en train d’arriver devant la PAOMIE, ou ceux qui n’étaient pas dans la lutte ? Et les milliers de MIE en France ?Des luttes ont eut lieu à Toulouse, Rouen, Grenoble, menée par les jeunes, des collectifs de soutien, des professionnels du secteur comme les éducateurs. La victoire parisienne permet peut-être d’envisager une mise en commun des expériences respectives pour forcer l’État, la mairie de Paris et les conseils généraux, à respecter la loi ! Plus largement, pour l’ensemble des mal-logéEs, cette victoire doit résonner comme la possibilité d’engager une lutte globale pour le droit au logement. En particulier, l’expérience acquise par le DAL est dans cet objectif particulièrement précieuse.
JMB et Stan Miller