La manifestation de mardi 14 juin contre la loi El Khomri a rassemblé des centaines de milliers de manifestantEs à Paris mais aussi dans de nombreuses autres villes comme à Marseille, Lyon et Toulouse. Au-delà de la bataille des chiffres, à laquelle se livre la préfecture afin de décrédibiliser le mouvement à grands renforts médiatiques, ce que les médias retiennent est bien la violence des manifestantEs… Vraiment ?
Ce matin 15 juin, les médias ne parlent que de la scène de « guérilla urbaine » autour de l’hôpital Necker. Mais aussi d’une manifestation qui aurait « tout ruiné sur son passage ». Pourtant même les grands médias ont des difficultés de faire l’impasse sur les visages ensanglantés comme on peut le voir dans un article de Libération.
Leur violence…
Difficile de camoufler les violences de l’Etat et de son appareil répressif, depuis le début du mouvement, l’escalade de violence en est devenue hallucinante : gazage systématique des manifestation, manifestation entièrement encadrée par les CRS, mise en place de nasses, utilisation de flashball, grenade désencerclantes par dizaines voire centaines. Les bilans sont lourds : blesséEs graves, manifestantEs mutilés… Et on a pu voir la police utiliser par deux fois des canons à eau pendant la manifestation. Les vidéos montrant des CRS frappant des manifestantEs déjà menottés et à terre ne circulent plus seulement dans les réseaux militants, tant et si bien qu’il devient difficile d’ignorer ces violences et que le slogan « Tout le monde déteste la police » devient audible à large échelle.
A cette violence policière s’ajoute la violence judiciaire, des militants qui prennent de lourdes peines comme Antoine, militant CGT qui a été condamné à huit mois de prison avec sursis après avoir été placé en détention provisoire pendant plusieurs jours, ou encore les quatre militants antisexistes de Rennes qui prennent entre un à trois mois de prison ferme pour une action contre Bagelstein qui fait des publicités particulièrement sexistes. Du jamais vu !
Alors, oui, l’air des manifestations est irrespirable, et les risques sont impossibles à ignorer. Ce n’est plus seulement quelques centaines de manifestantEs qui se munissent de masques et de lunettes de plongées, mais l’ensemble qui tente de se protéger de ces violences d’une manière ou d’une autre. Il faut d’abord réaffirmer que la violence est celle du gouvernement, de l’Etat, de la police, qu’ils en sont responsables et non les prétendus « casseurs » auquel nous répondons comme nous l’avons scandés hier que ce sont « eux, les casseurs »… ce gouvernement qu’il faut dégager !
Et la nôtre ?
Partout, on somme les manifestantEs de se désolidariser des « casseurs » et cette question a largement traversé et pourri les débats de Nuit Debout. Pour ou contre la violence du mouvement social ? ? Pour ou contre éclater des autolibs ? Pour ou contre casser des vitrines de banques ? A l’initiative du gouvernement et largement relayé par les médias, ces violences sont placées au cœur des débats. Nous devons y apporter nos réponses. Le premier des problèmes n’est bien évidemment pas le fait qu’il y ait des casses de vitrines, mais bien que nous, le mouvement ouvrier au sens large, soyons en incapacité de répondre à la répression, incapables de faire reculer l’encerclement de la place de la République, de protéger les manifestantEs des violences lors des manifestations.
Ensuite, ce n’est pas à la question pour ou contre la violence qu’il faut répondre. Ce n’est certainement pas une question morale. C’est une question stratégique qu’il faut assumer.
Dans ce mouvement, il y a différentes composantes qui propose des stratégies différentes, si nous luttons ensemble contre la loi Travail, nous nous battons en partie contre la stratégie des directions syndicales. Nous devons nous battre contre la stratégie de cette fraction du mouvement qui pense qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour renverser le système. Cette stratégie de tension permanente avec la police est inaudible et minorisante, en fait c’est cette stratégie qui divise le mouvement en permanence.
Alors que le mouvement perdure, nous connaissons cependant ces difficultés, faire passer l’ensemble des salariéEs du sentiment de refus de la loi travail, à l’action, avoir des secteurs significatifs des salariés du privé qui se mettent en grève reconductible. Oui, la violence minoritaire ne fera pas gagner contre la loi Travail, ce qui nous fera gagner c’est un affrontement de masse contre le gouvernement. Et, dans cette situation, le mouvement devrait se donner les moyens de s’opposer aux violence de l’Etat bourgeois. L’ouverture du débat sur d’éventuelles interdictions de manifester pourrait bien nous imposer des réponses immédiates.
Mimosa Effe