Depuis plusieurs jours, Marseille fait la Une des médias : misère, chômage, désindustrialisation, logement, services publics en souffrance, pollution… Mal typique d’une ville « mauvaise élève » ou symptôme plus profond d’une crise de société ?
Les poubelles s’entassent à Marseille, mais aussi à Aix et au-delà. Pourquoi ? La Métropole (3 600 agentEs sur 320 km2) a voulu appliquer la loi de « transformation de la fonction publique » imposant 1 607 heures de travail/an et des économies sur les heures supplémentaires. Des aménagements pouvaient être envisagés pour les métiers pénibles (les éboueurs ont une espérance de vie inférieure de trois ans à la moyenne, une espérance de vie en bonne santé inférieure de 17 ans et le plus d’accidents du travail). Au total, il leur était imposé 1 530 heures, la suppression des repos compensateurs et deux heures de plus par jour.
Finie, la grève des éboueurs ?
Réponse immédiate : grève quasi unanime sur tout le territoire de la Métropole. Alors que les conditions et acquis (temps de travail ou salaire) étaient différents sur chacune des six « Communautés de territoire », c’est par un véritable instinct de classe que la profession s’est mobilisée sur des revendications uniformes.
Tardivement rallié au mouvement, le syndicat majoritaire FO a « négocié », en catimini, un pseudo accord catastrophique en matière de temps de travail et a « décidé » unilatéralement… que la grève était finie ! Il faut savoir que tous les chefs de collecte sont à FO et qu’être à la CGT signifie souvent ne pas être nommé…
Perte des heures supplémentaires, des dimanches et jours fériés… Beau bilan pour FO. Alors, finie la grève ? Sur le terrain de très nombreux agents ont résisté. Tellement résisté que la préfète a eu recours aux réquisitions pour faire reprendre le travail. Bizarre qu’on ait recours à la réquisition… pour une grève prétendument finie !
Le 7 octobre, les grévistes – qui n’étaient plus en grève d’après FO, se rassemblaient devant le Conseil de Métropole pour rappeler leurs revendications, à l’appel du syndicat CGT. Des promesses de rencontre ont été faites. En attendant, les agents restent mobilisés… même réquisitionnés.
Les transports, la santé et l’éducation sacrifiées
Mais la Métropole c’est aussi les transports. Les choses vont-elles mieux dans ce domaine ? Non ! Sur l’est marseillais, par exemple, quatre réseaux différents se superposent (TER, Régie départementale, Marseille, Aubagne) sans aucune harmonisation horaire, rendant ardue toute correspondance… pendant qu’on continue à développer le réseau autoroutier. Comment s’étonner qu’une majorité des déplacements se fasse en voiture, faisant de Marseille la ville la plus embouteillée de France ?
La santé ? Marseille est un eldorado pour les groupes privés : cliniques et EHPAD privés poussent partout (un seul EHPAD public à Marseille !) pendant que les établissements de l’AP-HM se dégradent ou sont privés de services essentiels comme les urgences, alors que la ville accueille les patients des 04, 05 et de Corse dont les hôpitaux se réduisent comme peau de chagrin. Conséquence des « groupements hospitaliers de territoire » qui organisent la concurrence public-privé.
L’éducation ? Ne revenons pas sur l’état déplorable d’une bonne moitié des 350 groupes scolaires laissés à l’abandon sous les mandats Gaudin qui, ancien prof du privé, a su choyer les siens. Côté secondaire, seulement quatre lycées généraux pour les 8 arrondissements en périphérie, laissant place à une multitude d’établissements privés. Pourtant les subventions de la Ville, du Département et de la Région se déversent sur les établissements privés. Merci Gaudin-Vassal-Muselier !
Côté personnel territorial, et malgré les entraves au droit de grève initiées par la nouvelle municipalité « de gauche », les agentEs font toujours preuve de combativité pour arracher des embauches et mettre fin à des taux d’encadrement inhumains tant pour elles et eux que pour les enfants dont elles ont la charge.
Les bibliothèques ? Une grosse structure, « l’Alcazar » ; deux structures « de secteur » pour… neuf arrondissements ; quatre petites bibliothèques de quartier sans moyens, et dont une partie des agentsE a été déployée sur l’Alcazar à sa création…
Précarité, exploitation, chômage
Côté commerce, les zones géantes (Plan de campagne – la plus grande d’Europe, Valentine, Grand littoral, Terrasses du Port, Paluds…) s’étendent sans cesse, faisant de PACA la région la plus suréquipée… avec la bénédiction d’éluEs qui pleurent sur le mort des commerces de proximité qui ferment les uns après les autres dans les petites communes et quartiers.
Ces zones sont des laboratoires de précarité, où travail du dimanche et caisses automatiques se multiplient, au détriment des emplois et des conditions de vie. Situées surtout en banlieue ou en périphérie, loin de toute vraie desserte en transports, elles drainent leurs cortèges de voitures, faisant de la région une des plus polluées de France.
Enfin, ancienne ville industrielle, Marseille a vu, en 40 ans, fermer la quasi-totalité de ses usines. Restent Panzani, Heineken et Arkéma… avec bien moins d’emplois qu’avant. Ces fermetures ont engendré chômage, précarité et dégradation de l’habitat dans ces anciens quartiers ouvriers livrés à la spéculation immobilière.
Lors de sa visite, Macron avait apporté ses « solutions » : plus de flics, plus de caméras de surveillance, recrutement des enseignantEs par les directeurEs d’école. Des mots, de l’esbroufe, de la répression. Il est de retour le 15 octobre dans une ville dont on se doute qu’on aura enlevé les poubelles.
Mais Marseille n’est finalement qu’un reflet de cette politique capitaliste qui sacrifie nos vies et nos villes à l’appétit de la finance. Comment s’étonner que sur ce désastre social, abstention et vote RN progressent au détriment d’une gauche jadis puissante mais trop compromise dans les magouilles et institutions ?
Mis à part FO, liée aux restes d’un PS en déroute ou à la droite, restent des luttes souvent dures menées par une CGT combative et souvent unitaire, Solidaires, faibles mais combatifs, et la FSU. Il est plus que temps d’en sortir et cela ne se fera que sur la base de nos luttes.