En plus d’accuser les chômeurEs de ne pas chercher ou de tricher, alors que les chiffres du ministère du Travail montrent que la fraude est marginale, puisque sur les 625 000 radiations prononcées en 2016, 4 % étaient dues à une « insuffisance de recherche d’emploi », 0,4 % le fait d’une fraude caractérisée (essentiellement le fait de réseaux criminels organisés) et 0,02 % liées à un second refus d’« offre raisonnable d’emploi », le gouvernement veut leur faire les poches...
Rappel : c’est 4 milliards d’euros d’économies (contre 800 millions pour la convention actuelle) que le gouvernement veut faire ! C’est donc la double peine : suppressions des allocations (décret du 30 décembre, voir l’Anticapitaliste n°458), allocations que le Medef et le gouvernement veulent encore diminuer pour les 60 % qui sont indemnisés. Mais les chômeurEs « sortants de droits », comme dit l’Unedic, ont utilisé en moyenne les deux tiers de leurs droits : on est donc loin des profiteurEs qui attendent tranquillement la fin des allocations…
Conséquences immédiates sur les droits
Un des arguments avancés par Pénicaud pour justifier les baisses d’allocations est que l’on pourrait gagner plus en étant au chômage qu’en travaillant. Dans certains cas très précis, le cumul allocation-activité peut être supérieur au salaire : en l’occurence, si le mois est partagé entre 15 jours d’activité et 15 jours de chômage. Sauf que, ce que ne dit pas Pénicaud, c’est que le montant total d’allocations est le même, mais versé sur 6 mois dans le cas précité (contre 12 mois si le contrat est effectué en continu). En fait, sont visés les travailleurEs qui subissent l’enchaînement de CDD. Que les CDD de moins d’un mois aient été multipliés par 2,5 en 20 ans n’est visiblement pas le problème… En prenant cet exemple, certes possible mais très loin d’être le plus fréquent, Pénicaud veut faire payer aux chômeurEs les économies, et surtout oublie de dire que, d’une manière générale, dans la réglementation assurance chômage, le cumul activité-allocation ne doit pas dépasser l’ancien salaire…
En réalité, 40 % des inscritEs ne sont pas indemnisés, et le montant de l’allocation médiane est de 950 euros net. Mais cela ne suffit pas : il s’agit encore de faire porter les baisses sur les personnes qui multiplient les contrats courts subis, par exemple les assistantes maternelles en cas de fin du contrat avec une famille. Regroupées sous l’appellation « Gilets roses », les assistantes maternelles se mobilisent et appelaient à manifester pour l’Acte xii.
Suppression des cotisations salariales au 1er janvier, « compensées » pour 2019 (et après ?) par une fraction de la CSG : comme en Grande-Bretagne, cette mesure déconnecte l’assurance du salaire et aboutira logiquement à terme au forfait minimal, complété par les assurances privées qui n’attendent que de pouvoir profiter du gâteau (36 milliards de recettes en 2017...).
Les exemples de nombreux autres pays européens peuvent aussi donner des idées au gouvernement : dégressivité en Belgique, aux Pays-Bas, dans l’État espagnol, en Italie, au Portugal ; durée d’indemnisation maximum à 6 mois en Grande-Bretagne.
L’enjeu du contrôle de l’assurance chômage
Le « bras de fer » entre le Medef et Macron autour de la question des contrats courts illustre l’enjeu de pouvoir : l’État pouvait déjà choisir d’agréer ou non une convention d’assurance chômage, mais cet épisode marque une nouvelle étape dans volonté du gouvernement de gérer le régime d’assurance chômage, ou au minimum de fixer des règles rigides dans lesquelles les « partenaires sociaux » n’auraient pas de marges de manœuvre. Sur le fond, la seule « compensation » aux économies faites sur les allocations serait un « bonus-malus » en fonction de l’utilisation des CDD… Mais même de cela le Medef ne veut pas, qui propose (après une pseudo-rupture des négociations) des solutions alternatives pour limiter les contrats courts : favoriser la réembauche en contrat « long » (CDD supérieur à 1 mois) des personnes qui multiplient les contrats courts, revoir les délais de carence ou les règles de renouvellement...
La fin des « négociations » le 20 février marquera une étape dans l’équilibre entre « partenaires sociaux » et État pour la gestion de l’assurance chômage.
Correspondant