Non contents d’affaiblir les protections collectives, les gouvernements répondent toujours présents aux exigences du patronat visant à réduire au minimum les protections individuelles.
Depuis des décennies, gouvernements de droite et de gauche se relaient pour réduire les recours des salariéEs à la justice prud’homale. Depuis la suppression de l’élection des conseillerEs jusqu’au récent plafonnement des indemnités -prud’homales, de multiples mesures ont eu pour résultat de réduire la place de ce recours judiciaire original comme ultime rempart face à l’arbitraire patronal.
Arbitraire patronal cautionné
Le résultat est éclairant. En 2016, les conseils de prud’hommes ont été saisis de 148 200 demandes au fond ou en référé, soit près 20 % de moins qu’en 2015 (181 800) et 27 % de moins qu’en 2013 (203 000). Et une chute de 35 % depuis 2009… La principale cause de cette baisse, identifiée par le ministère du Travail lui-même, est évidemment le recours de plus en plus fréquent au dispositif de rupture conventionnelle du contrat de travail, qui limite les possibilités de recours à la justice prud’homale. Entre 2015 et 2016 la hausse du nombre ruptures conventionnelles homologuées était de 8,7 %, pour atteindre 390 000. Avec une nouvelle progression de 7,8 % on arrive au nombre de 421 000 pour 2017, avec un nouveau bond de 2,5 % rien qu’en décembre (36 500 ruptures homologuées).
Autre explication avec les réformes mises en place par la loi Macron (« de gauche ») en août 2015 : complication de constitution d’un dossier (utilisation d’un CERFA, augmentation du nombre de pièces à fournir), limitation du droit d’intervention des organisations syndicales qui tend à imposer l’obligation de faire un appel à un avocat… payant.
La situation est d’autant plus désastreuse que seulement 1 % des litiges sont liés aux contestations économiques censées « faire peur » aux patrons. 94 % des recours sont liés à la rupture du contrat de travail, et huit fois sur dix le litige porte à titre principal sur la contestation du motif personnel de la rupture. Même si les motifs ne sont pas « étanches », c’est bien l’arbitraire patronal qui est ainsi cautionné, sans aucun rapport avec des justifications économiques elles-mêmes plus ou moins contestables.
Une situation qui préoccupe même Bruno North, président pour le Medef de la section encadrement à Paris, qui déclarait à l’AFP fin 2017 : « À partir du moment où on met de plus en plus de formalisme, on a le sentiment, à tort ou à raison, qu’il y aura une justice des puissants et des misérables, les puissants qui pourront faire une belle requête, et ceux qui ne pourront pas faire aussi précisément cette requête et qui seront traités en fonction de ce qu’ils auront fourni. » La Fontaine, sors de ce corps !
Robert Pelletier