Vous êtes adressé à l’hôpital par votre médecin traitant pour des soins indispensables. Après vous avoir examiné, le praticien hospitalier vous dit, à voix basse, gêné : « Désolé, nous ne pouvons vous soigner, nous avons épuisé notre " volume de soins autorisés " : trouvez un autre établissement ou revenez l’année prochaine ». Mauvais scénario de science-fiction ? Malheureusement non ! C’est ce que prévoient les projets en préparation au ministère de la Santé, révélés par le Figaro qui en situe clairement l’enjeu : « Les hôpitaux dépensent trop ? Il suffit de leur fixer un quota d’activité et de les sanctionner en cas de dépassement. » En clair, cela s’appelle rationnement donc refus des soins. Il s’agit non pas de « réduire les dépenses de santé », mais de limiter au minimum la place de l’hôpital public et de la Sécurité sociale, pour ouvrir le marché aux cliniques et aux assurances privées. L’un des outils de cette privatisation est la mise en concurrence des cliniques privées et des hôpitaux grâce à un nouveau système de financement : la Tarification à l’activité (dite T2A)… L’hôpital est forcément perdant puisqu’il ne soigne ni les mêmes malades ni les mêmes pathologies, et que les cliniques ne comptabilisent pas les actes de leurs professionnels libéraux ! Le secteur privé commercial sélectionne les pathologies « rentables »… et renvoie les cas lourds vers l’hôpital. Il s’organise aussi pour renvoyer vers le secteur public les malades nécessitant plus de soins (âge, problèmes sociaux, pathologies multiples…). L’hôpital se voit ainsi progressivement cantonné aux actes et aux patients « non rentables ». Il doit de plus s’acquitter, avec des financements dérisoires, de ses missions de service public.Mais pour le Medef et ses exécutants gouvernementaux, cela ne suffit pas. Les mesures annoncées par le Figaro veulent accroître son handicap et fausser encore plus la « concurrence » : l’hôpital se verra imposer, sous peine de sanction, une limitation de ses activités les plus « rentables »… qui pourraient gêner le développement du privé. La liste annoncée des actes concernés par cette limitation vient confirmer cette hypothèse, puisqu’il s’agit d’actes très lucratifs qui devront donc se faire essentiellement dans le privé : « C’est comme si on nous demandait d’appuyer à la fois sur l’accélérateur et le frein », remarque un représentant des directeurs d’hôpitaux, puisque l’hôpital est désormais rémunéré en fonction du nombre d’actes qu’il produit… et qu’on lui impose en même temps de limiter son activité. À la restriction des soins par l’argent, par la fermeture de services hospitaliers, vient donc s’ajouter le rationnement direct et sans fard. Une raison supplémentaire à l’urgence d’une mobilisation unitaire pour la défense de l’hôpital public et de la Sécurité sociale, du droit de tous aux soins. Jean-Claude Laumonier
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