L'ensemble des catégories professionnelles de l'hôpital, y compris les médecins, dénoncent depuis des mois la logique de destruction de l'hôpital public de la loi Bachelot.
La loi Hôpital-Patients-Santé-Territoires, votée l'été dernier à l'initiative de Bachelot, avait déjà suscité, avant son adoption, une large mobilisation dans le personnel et chez les médecins. Cette loi a pour vocation, non de «promouvoir un système de santé plus efficace», mais de restreindre au maximum la place de l'hôpital public. Il s'agit de développer l'hospitalisation privée, passée dans la dernière décennie dans les mains de grands groupes dont l'appétit est aiguisé par la perspective de combler les vides créés sciemment dans l'hôpital public. La mise en place d'Agences régionales de santé (ARS) par la loi Bachelot donnera à leurs directeurs un pouvoir exorbitant, sans aucun contrôle démocratique, excluant presque complètement les médecins – sans parler des personnels non-médicaux ! – des décisions stratégiques pour l'hôpital.
C'est ce qui explique, maintenant que cette loi est définitivement adoptée, les mesures d'une brutalité exceptionnelle qui sont annoncées, et les mobilisations qui repartent pour défendre l'hôpital. En région parisienne, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP) concrétise un plan de regroupement préparé de longue date, qui vise à la fois à supprimer des services qui feraient doublon et à supprimer 4 000 postes d'ici quatre ans. Cela se traduit par des attaques sur des services considérés comme marginaux par les gestionnaires, comme les centres IVG, mais aussi par la suppression de gros services, dans les deux cas sans considération pour le service rendu. Ainsi à Beaujon, à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), on vient d'annoncer que les urgences ne seraient plus ouvertes que le jour, et il n'est guère difficile de deviner que ce n'est qu'une première étape pour un transfert total d'activité dans l'hôpital voisin Bichat, à Paris 18e, dont les urgences sont déjà totalement saturées. Ici, pas de protestation du chef de service, Philippe Juvin. Celui-ci est en effet élu UMP au parlement européen et s'est souvent illustré par ses propos en défense de Bachelot. Lorsqu'un homme était mort faute d'une place à l'hôpital, Juvin avait soutenu dans les médias que la cause n'était pas le manque de moyens mais un problème d'organisation du SAMU...
Les conditions de travail ne cessent de se dégrader dans tous les hôpitaux de France, alors les personnels réagissent. À Beaujon, une première manifestation a eu lieu le 27 novembre. Le personnel d'Ambroise-Paré (Boulogne-Billancourt) est en grève depuis le 23 novembre pour réclamer 120 postes supplémentaires. Les manifestations se multiplient à l’hôpital marin d’Hendaye (qui dépend de l'APHP), aux urgences de Tenon, à Bicêtre, à la maternité de Saint-Antoine, etc.
Du côté des médecins, 700 d’entre eux menacent de démissionner de leurs responsabilités administratives et certains l’ont déjà fait. Bientôt, dans la plupart des hôpitaux de l'APHP, il n'y aura plus d'instances médico-administratives en état de fonctionner.
Cependant, pour faire reculer le gouvernement et ceux qui appliquent cette politique (l'ex-ministre de la santé socialiste Claude Évin sera en charge de l'ARS en Île-de-France), il est clair que les luttes dispersées ont peu de poids, même si localement elles améliorent le rapport de forces. Des liens entre les actions commencent à se mettre en place : une initiative de l'’intersyndicale de l'APHP appelle à un rassemblement 18 décembre au siège de celle-ci, avenue Victoria, avec un préavis de grève pour le même jour.
Les militants du NPA, présents dans certaines de ces mobilisations, ne manqueront pas de chercher, avec les autres travailleurs des hôpitaux, à regrouper ces actions. Il est crucial de mettre en difficulté Bachelot et le gouvernement Sarkozy-Fillon, car tous les sondages montrent à quel point la population est attachée aux hôpitaux publics, notamment lorsqu'ils rendent des services de proximité.
Philippe Rossignol