Si la séquence électorale présidentielle a bousculé l’ensemble de l’échiquier politique, au niveau des directions syndicales il semble urgent... d’attendre !
Pourtant Macron n’a fait mystère ni de sa volonté de taper fort ni de sa volonté de frapper vite, et son Premier ministre « de droite » ne devrait pas être en reste...
Un programme chargé, une méthode musclée
Au menu du gouvernement : plafonnement des condamnations prud’homales en cas de licenciement abusif ; renvoi au niveau de l’entreprise des droits définis actuellement par la loi ou les accords de branche, généralisation des référendums introduits pour faire valider par les salariéEs, soumis au chantage à l’emploi, des accords refusés par une majorité d’organisations syndicales et qui pourraient être déclenchés directement par l’employeur ; regroupement des institutions représentatives du personnel visant à supprimer les délégués du personnel trop revendicatifs et les comités d’hygiène, sécurité et conditions de travail trop intrusifs, trop gênants...
Un vaste programme qui devrait être mis en œuvre par ordonnances. Avec dans les tiroirs : la confiscation de la gestion de l’assurance chômage par l’État, avec un financement par l’impôt à la place des cotisations sociales ; une réforme des retraites visant au passage au système par points ; un programme d’attaque de l’ensemble des services publics...
L’urgent serait d’attendre ?
Si les annonces sont claires, offensives, les réactions des directions syndicales sont très modérées, confuses, voir carrément en soutien à certains projets gouvernementaux. Seul l’union syndicale Solidaires affiche la volonté d’organiser une riposte rapide, mais rien n’est sorti de la réunion unitaire à laquelle Solidaires avait appelé : « Nous n’attendons rien de positif de ce nouveau président et des orientations (...) qui dessinent un projet de société encore plus inégalitaire, avec toujours plus de pauvres, de chômeurs/euses, de précaires, et des conditions de travail dégradées. Nous devons donc préparer un nouvel affrontement plus large, plus déterminé et plus massif encore que ce que nous avons réalisé lors de la mobilisation contre la loi travail. Pour cela, l’unité syndicale est indispensable. »
Pas de surprise du côté de la CFDT. Berger s’est fendu d’une lettre à Macron qui affirme : « Monsieur le président, dans le contexte qui est le nôtre, vous devez le pressentir, vous ne bénéficierez d’aucun état de grâce. (…) Il faut concerter, discuter, dans une totale transparence. C’est parfois ce qui a manqué lors de la loi travail. Pour le contenu, tout est discutable ».
La CFDT se positionnera au vu de « ce qu’il y a dans les ordonnances. (…) On essaiera de faire passer le maximum de choses auxquelles on tient. (...) S’il faut manifester, on ira, mais l’objectif n’est pas de descendre dans la rue ». La CFDT est pour la généralisation des négociations et référendums au niveau des entreprises et sur les retraites, la confédération s’est depuis longtemps affirmée favorable à un système par points.
Pour Force ouvrière, si le plafonnement des dédommagements octroyés par les prud’hommes représente un casus belli, « tout va dépendre de son attitude [celle de Macron], de son rapport au dialogue social. Nous ne lui faisons pas un procès d’avance. Mais si ça se passe mal et s’il ne bouge pas sur certains sujets, il y aura un effet boomerang ». Cela tout en faisant mine de hausser le ton : « Nous allons voir s’il est prêt à bouger sur certains points qui nous semblent rédhibitoires ou s’il y tient mordicus ». Et Mailly de préparer le repli, affirmant qu’« il est toujours difficile de mobiliser l’été ». Certes...
Du côté de la CGT, les prises de position confédérales ne sont guère plus satisfaisantes. La direction confédérale « appelle solennellement Emmanuel Macron à renoncer à imposer de nouveaux reculs sociaux par ordonnance ou 49.3. (…) On a l’impression que cette concertation express évoquée pour le début de l’été n’est que de pure forme, car le code du travail impose à tout gouvernement de prendre l’avis des partenaires sociaux sur un projet concernant le monde de l’entreprise ». Sur le fond, « plusieurs points de son projet – référendum à l’initiative de l’employeur, fusion des instances de représentation du personnel, plafonnement des indemnités prud’homales – sont pour nous des lignes rouges ». Mais au final, c’est l’attentisme, comme s’il y avait quelque chose à attendre du dialogue social avec Macron. Ainsi, la dernière réunion de la direction confédérale a centré ses débats... sur la syndicalisation suite aux reculs électoraux enregistrés dans le privé. Pour Martinez : « Descendre dans la rue ? On y est déjà. Je n’ai pas demandé, comme Jean-Claude Mailly (FO), aux cadres de la CGT de prendre des vacances remboursables, chez nous, les congés payés sont sacrés. Mais on sait rapidement se mobiliser, on sera là pour la rentrée sociale ».
Construire la mobilisation, maintenant !
Cet attentisme est la pire des choses. La pétition en ligne contre la loi travail est actualisée, et des cadres de mobilisation existent, tels le Front social ou la campagne « Nos droits contre leurs privilèges ».
Les salariéEs de Whirlpool ou GM&S qui crient leur colère ne doivent pas être abandonnés au dialogue social. Il faut s’appuyer sur cette colère, soutenir celles et eux qui luttent, amplifier la riposte. Car se battre contre les attaques patronales et gouvernementales, c’est aussi tout faire pour éviter le pire : le détournement de cette colère par notre pire ennemi, l’extrême droite en embuscade.
La riposte – par la grève, par les manifestations – c’est maintenant !
Robert Pelletier