En matière de fiscalité sur les ménages finançant le budget de l’État, il y a deux grands types d’impôts. D’une part, l’impôt sur le revenu, qui est « progressif » : plus on est riche, plus le taux d’imposition est élevé, et donc plus on paie d’impôt en proportion de son revenu. Il y a, d’autre part, les taxes sur la consommation qui sont « régressives » : plus on est riche, moins on paie d’impôt en proportion de son revenu, car les riches consomment une part moins importante de leur revenu.
Le poids des taxes indirectes dans la fiscalité n’a cessé d’augmenter au détriment de l’impôt sur le revenu. Dans les années 1980, l’impôt sur le revenu était composé de 14 tranches avec un taux marginal maximum de 65 %. Aujourd’hui, il est composé de 5 tranches avec un taux maximum de 45 % ! En outre, la multiplication de niches fiscales permet aux plus riches de réduire considérablement leur contribution au budget de l’État. Aujourd’hui, le montant des recettes de TVA est plus de deux fois supérieur au montant de l’impôt sur le revenu. À la TVA s’ajoutent des taxes encore plus régressives, comme les taxes sur l’alcool, le tabac, et la TICPE (taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, ex TIPP). Au total, environ 20 % du revenu des plus pauvres est aspiré par ces taxes indirectes sur la consommation, contre moins de 10 % du revenu des plus riches. Un véritable racket fiscal ! La baisse ciblée de la TVA sur la restauration en 2009 a accentué les inégalités, puisqu’elle a bénéficié avant tout aux plus riches qui consacrent une plus grande partie de leur revenu aux sorties au restaurant.
Le choc fiscal de Macron au profit des plus riches
En 2018, Macron a aggravé le tableau en mettant en place un « choc fiscal »… des plus pauvres vers les plus riches. Il a supprimé l’ISF et mis en place une « flat tax » de 30 % sur les revenus du capital, ce qui permet aux plus riches de se faire taxer leurs dividendes à 30 % au lieu de 45 % (taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu). L’OFCE estime le gain de ces deux mesures pour les plus riches à 4,5 milliards. Et « en même temps », la hausse des taxes indirectes doit rapporter en 2018 5,1 milliards de plus à l’État (3,7 milliards pour la TICPE ; 1,4 milliard pour les taxes sur le tabac) et cette hausse pèse essentiellement sur les catégories populaires. En 2019, la tendance se prolongera, puisque les taxes sur l’essence vont à nouveau augmenter et rapporteront 2,8 milliards supplémentaires à l’État.
L’extension de la « flat tax » aux revenus du travail ?
La mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu cache sans doute des objectifs peu avouables. En effet, loin de simplifier le recouvrement de l’impôt, il va le transformer en usine à gaz. Avec l’intervention d’un tiers collecteur (les employeurs), de nombreuses erreurs sont à prévoir. Alors pourquoi cette réforme ? Le gouvernement, avec cynisme, pourrait s’appuyer sur la complexité du nouveau système, pour le « simplifier » et supprimer la progressivité de l’impôt sur le revenu en introduisant un taux unique. C’est en tout cas ce que craignent nos collègues de la Direction générale des Finances publiques, dont la charge de travail a considérablement augmenté !
Des mesures fiscales immédiates... articulées à une perspective anticapitaliste
La révolte contre les taxes sur l’essence est parfaitement justifiée. Nous nous opposons bien sûr à la hausse de ces taxes, mais nous sommes plus fondamentalement pour la suppression de toutes les taxes indirectes sur la consommation, pour une plus forte progressivité de l’impôt sur le revenu (avec un taux maximal de 100 %), et pour le rétablissement d’un impôt conséquent et progressif sur le patrimoine. Il faut aussi taxer beaucoup plus fortement les profits des multinationales, à commencer par Total et les grands trustes de l’énergie.
Les hausses de taxes sur les catégories populaires ne régleront aucun problème écologique. Il faut pour cela en finir avec le tout-voiture en développant les transports publics gratuits et en permettant à chacun de vivre à proximité de son travail. Il faut en outre que les travailleurEs puissent prendre collectivement le contrôle des grands moyens de production, à commencer par les grands groupes de l’énergie, et planifier l’économie en fonction des besoins sociaux et des contraintes écologiques. C’est le seul moyen de faire décroître la consommation d’énergie, et donc de réduire suffisamment les émissions de gaz à effet de serre pour éviter la catastrophe.
Gaston Lefranc