Comme prévu, l’augmentation de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) pour financer la protection sociale, en remplacement des cotisations patronales, a été l’une des principales annonces de l’intervention présidentielle.
Les vœux du Medef sont exaucés : les patrons seront totalement ou partiellement exonérés du financement des allocations familiales sur les salaires allant de 1,6 à 2,1 fois le Smic.
En contrepartie, le taux dit « normal » de la TVA qui était de 19,6 % passera à 21,2 %. Cette augmentation de 1,6 % ne s’appliquera pas à la TVA à taux réduit sur certains produits de première nécessité qui vient déjà de passer de 5,5 à 7 %.
Ce sont 13 milliards de cadeaux supplémentaires, qui sont ainsi faits aux patrons, sous couvert de « compétitivité » et de « baisse du coût du travail ». Ils s’ajouteront aux 31 milliards d’exonération dont ils bénéficient déjà.Baisse du pouvoir d’achatC’est une nouvelle ponction sur le pouvoir d’achat des salariéEs et des classes populaires, dont les salaires et pensions n’augmentent pas, et qui vont payer plus cher leurs achats. De fait, c’est un nouveau plan d’austérité qui n’ose pas dire son nom.
Pour faire bonne mesure et montrer qu’il « s’attaque » aussi à la finance, Sarkozy annonce une hausse de deux points de la CSG (Contribution sociale généralisée) sur les revenus financiers.
Les deux journalistes économiques ultralibéraux (François Lenglet de BFM et Jean-Marc Sylvestre de i-Télé) assistant à l’entretien ne cachaient guère leur scepticisme face aux annonces présidentielles. Même à droite, on s’interroge sur l’efficacité de la « TVA sociale » dont la première conséquence risque d’être de plomber un peu plus la consommation en réduisant le pouvoir d’achat.
Personne ne croit vraiment au conte de fées de Sarkozy, laissant penser que les patrons vertueux répercuteront la baisse des cotisations sur les prix. Chacun sait au contraire qu’ils commenceront par augmenter leurs marges.Salaire socialiséToute la démonstration de Sarkozy consistait à opposer le « bon salaire net » qui doit être protégé… et les « mauvaises charges sociales » qui pèsent sur les entreprises et doivent être diminuées ou supprimées.Piteux numéro d’illusionniste : car les cotisations sociales sont une partie du salaire, le salaire dit « socialisé », c’est-à-dire mis en commun, qui sert à financer les retraites, la maladie, les allocations familiales ou l’indemnisation du chômage.
« Est-il normal que les entreprises financent nos politiques familiales ? » n’a cessé de répéter le président-candidat, au cours de son intervention.
Demain, il ajoutera « est-il normal que les entreprises financent des retraités qui ne travaillent plus ? des travailleurs malades qui ne sont pas à leur poste de travail ? des femmes qui cessent de produire parce qu’elles attendent un enfant ? ou des chômeurs ? »
C’est l’un des grands acquis des luttes des salariés d’avoir imposé que du salaire, versé directement par les employeurs, rémunère des besoins sociaux fondamentaux, comme l’éducation des enfants, la santé, l’indemnisation du chômage ou la retraite.
Les cotisations sociales représentent 400 milliards d’euros, 1/5 de la richesse produite en France. Le rêve du Medef, c’est le retour à un temps où le salaire rémunérait seulement les salariéEs au travail. Les salariéEs hors-emploi relevaient de la charité privée (les Églises ou les « bonnes œuvres ») ou publique (« l’assistance » de l’État).
C’est une régression vers cette société là que prépare l’instauration de la TVA antisociale.MobilisationAu-delà de l’attaque sur le pouvoir d’achat, c’est l’existence même de la Sécurité sociale et de son financement par les employeurs qui est en jeu.
Le projet de loi sur la TVA antisociale est annoncé pour le début du mois de février.C’est donc tout de suite que la contre-offensive doit s’organiser.
Rien ne serait plus dangereux que de considérer ce projet, comme relevant d’une agitation préélectorale inefficace d’une fin de règne.
Car une fois le dispositif en place, il suffira d’augmenter sous n’importe quel prétexte le taux de la TVA pour exonérer toujours plus le patronat du financement de la protection sociale.
Il serait aussi bien hasardeux de miser sur la défaite de Sarkozy et sur l’abrogation de la mesure par son remplaçant.
Il y a au contraire urgence à construire dans les semaines qui viennent une mobilisation de masse unitaire autour d’un unique objectif : le retrait du projet de TVA antisociale.
Jean-Claude Delavigne