Le financement de la Sécurité sociale n’est pas une question technique ou uniquement économique. C’est avant tout une question politique. Les cotisations sociales ne sont pas « une charge », ni même un prélèvement. Elles sont du salaire, notre salaire collectif, socialisé. C’est le rapport de forces, notamment en 1945, qui a contraint les employeurs à payer des périodes où les salariéEs disposent librement de leur temps sans contrainte patronale : la retraite, le chômage, la maladie et même à participer aux dépenses médicales et familiales (les allocations).
Ce salaire socialisé est un acquis qu’il faut absolument défendre. Il faut préserver la séparation des ressources de l’État de celles de la Sécu. Elles n’ont pas les mêmes origines ni les mêmes destinations. L’impôt (sur le revenu, la TVA) est payé par l’ensemble de la population pour les caisses de l’État. Les cotisations sociales sont versées par les employeurs et alimentent les deux tiers des caisses de la Sécu. Il faut préserver, malgré ses limites actuelles, l’indépendance du budget de la Sécu et de l’État (les cotisations et prestations sont du ressort de l’État, la part de l’impôt progresse dans les ressources de la Sécu, il y a une loi annuelle de financement de la Sécu depuis 1996).
Il faut préserver les propres objectifs de la fiscalité et ceux du salaire socialisé. L’impôt est destiné aux dépenses publiques. Les cotisations sociales alimentent les caisses de la Sécu et de Pôle emploi et ouvrent des droits selon le principe « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Il s’agit de solidarité entre actif/retraité, entre malade/bien-portant, entre ceux qui ont des enfants ou pas, entre salarié/chômeur (pour Pôle emploi).
Il faut préserver les propres caractéristiques des cotisations : elles sont affectées uniquement à la Sécu et aux prestations sociales alors que l’affectation des impôts à une dépense précise est illégale. La CSG créée par Michel Rocard en 1990 s’est substituée aux cotisations sociales. À chaque augmentation (son taux sur les salaires était à l’origine de 1,1 %, il est à 7,5 % aujourd’hui), elle a exonéré davantage les patrons du financement de la Sécu. Son caractère est hybride. Elle est à la fois versée aux Urssaf (Sécu) et à l’administration fiscale. Contrairement aux cotisations, elle n’ouvre pas droit à l’affiliation aux régimes sociaux ni aux prestations sociales. Elle est proportionnelle au revenu et est affectée au financement de la Sécu. Elle pèse essentiellement sur les travailleurEs : 85 % de son montant total est prélevé sur les salaires et les revenus de remplacement (pensions, indemnités de chômage, de maladie…) et 15 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
Le PS veut « procéder à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG pour créer un impôt plus progressif et prélevé à la source ». Ce projet est dangereux pour la fiscalité et pour la Sécu. C’est un missile tiré sur le salaire socialisé. Les conséquences sont les mêmes que la TVA sociale : la fiscalisation du financement, l’étatisation de la Sécu. Incluse dans le budget de l’État, son affectation deviendrait totalement aléatoire, plus rien ne garantirait les ressources de la protection sociale. C’est la baisse prévisible de ses recettes.Si nous ne voulons pas payer totalement de notre poche les retraites, la maladie, les dépenses familiales, le chômage, si nous ne voulons pas d’une Sécu complètement démantelée, si nous ne voulons pas que le patronat gagne des points de profits supplémentaires dans la répartition des richesses au détriment des salaires, il faut se battre contre la TVA antisociale, la CSG, pour le retour au financement intégral de la Sécu par des cotisations sociales. C’est le seul moyen de garantir que la Sécu redevienne « à nous », comme le scandaient les manifestantEs, une institution indépendante du patronat et du pouvoir politique, contrôlée et gérée par « nous », les salariéEs, les assuréEs sociaux/sociales.
Stéphane Bernard