Quelles que soient les différences de chiffrage, une chose est sûre : toutEs ceux et celles qui ont défilé ce mardi 17 décembre, sauf exceptions, ont clairement le sentiment que « c’était gros, plus gros » que le 5 décembre. Dans les cortèges, la diversité était là aussi, manifestement plus importante que lors des journées précédentes. Plus de salariéEs du privé, d'Air France, de Radio France, plus d'hospitalierEs, plus d'enseignantEs, des étudiantEs et de lycéenNes. Avec un apport inégal de la CFDT ou de l'UNSA selon les villes. Dans certaines d’ailleurs, les sections locales avaient appelé aux manifestations des jours précédents.
Le grand gagnant à l'audimat de la rue était évidemment Jean Paul Delevoye dont le départ a été vivement fêté, même si toutEs regrettaient que ce ne soit pas en emportant son projet de réforme.
Les assemblées de grévistes confortent chaque jour la volonté de poursuivre le mouvement. À la SNCF, à la RATP et dans l’éducation, les AG ont d’ailleurs appelé à reconduire la grève, même si les effets concrets de ces appels dans l’éducation restent à mesurer. Des assemblées interprofessionnelles se multiplient dans de nombreuses villes, comme à Montreuil, Grenoble, différents lieux dans Paris, le 92, etc.
Le pouvoir tente de tenir le niveau de confrontation
Du côté du pouvoir rien de bien neuf. D’une part, l'essentiel de la propagande gouvernementale, largement relayée par les éluEs LREM, les journalistes et les experts aux ordres sur les plateaux télés que ce soit sur les chaînes publiques ou celles d'informations continues, concerne la question de la suspension de la grève pendant les fêtes de fin d'année. La détermination des grévistes semble cependant, petit à petit, convaincre une large partie de la population de la légitimité de la mobilisation. En face, E. Philippe retrouve le ton Juppéen de 95 en affirmant qu'il n'a même pas peur et donc ne renoncera pas à la contre-réforme du tricheur-menteur Delevoye. Mais, devant l'ampleur de la mobilisation, il se sent néanmoins obligé « d'inviter » les directions syndicales à de nouvelles « rencontres » mercredi et jeudi - une nouvelle opération d'enfumage.
D’autre part, les tentatives de division du front qui s'oppose à ce projet se poursuivent. Le faible apport de manifestantEs de la CFDT pourrait bien pousser le gouvernement à ne pas reculer sur l'âge pivot. Pour Laurent Berger, qui s'est bien gardé de participer à l'entièreté du défilé de peur de subir la vindicte des manifestantEs comme jadis Notat ou Chérèque, avec la mobilisation de certaines équipes syndicales CFDT, dont notamment les cheminotEs, les difficultés pourraient bien être devant lui. Si au refus du gouvernement de renoncer à l'âge pivot venait s'ajouter de l'intransigeance sur le rythme de la mise en œuvre de la réforme ou le maintien du silence sur les dispositifs compensatoires pour les femmes, les enseignantEs, les carrières hachées, l'ensemble pourrait devenir « invendable » aux équipes militantes de la CFDT, de l’UNSA ou de la CGC et davantage encore aux grévistes.
Fondamentalement le sort de la mobilisation continue de se jouer autour de l'extension de la grève
Un objectif peut être difficile à tenir dans la période des fêtes qui arrive mais qui doit être au centre des préoccupations des grévistes et de celles et ceux qui seront... en congés. C'est la multiplication des rencontres militantes mais aussi festives, dans les gares, les centres commerciaux, les grands sites d'emplois comme La Défense en région parisienne, les péages, à la porte des entreprises qui restent actives qui doit être à l'ordre du jour de toutes les assemblées générales, toutes les coordinations locales, interpros. La grève active, l'auto-organisation ne fonctionnent pas à vide ou juste par des prises de paroles. Donner des tâches, des objectifs aux grévistes, à leurs soutiens est, en plus de la consolidation de la grève, une nécessité impérieuse. Face à l'offensive médiatique du gouvernement et de ses suppôts qui vise à tourner l'« opinion » contre les grévistes, à diviser le mouvement, à nous de convaincre que la défaite serait désastreuse, que la victoire est possible. Et hop, Macron, Philippe, comme Delevoye, à la retraite.
Robert Pelletier