À défaut d'être le théâtre de confrontations directes, la rue semble être devenue le lieu d'un débat autour de l'égalité des droits. Entre les manifestations de l'extrême droite, dont le vernis de bienséance laisse paraître les velléités autoritaires, et celles, plus joyeuses, plus bigarrées, plus diverses politiquement aussi, de celles et ceux qui portent les revendications sur l'égalité, l'enjeu porte autant sur la loi que sur l'obtention d'une légitimité par les chiffres et par les caractéristiques démographiques.Sur ce plan, force est de constater que les partisanEs de l'égalité gagnent haut la main, avec une manifestation massive (400 000 personnes, 100 000 en régions le week-end précédent, contre 60 000 en décembre), jeune, familiale (et homoparentale), avec surtout une proportion très importante de personnes venues entre amiEs, en famille, de non-militantEs avec leurs propres pancartes, comme le 16 décembre et comme on n'en avait pas vu depuis longtemps dans les manifestations de masse. Une visibilité nouvelleLa mobilisation autour de l'égalité des droits est ainsi l'occasion d'une politisation, d'une affirmation d'une partie importante des lesbiennes et des gays et de leurs soutiens. Après des années de « banalisation » où l'on a voulu nous faire croire qu'en apparaissant dans des séries télés, les homosexuelLEs étaient acceptéEs, la violence publique de l'homophobie face au projet de loi pour l'ouverture du mariage et de l'adoption a en un sens permis de lever cet écran de fumée médiatique. Pour la première fois peut-être, la mobilisation de la communauté LGBT et de ses sympathisantEs se présente comme une évidence et gagne sans cesse du terrain, dans la rue comme dans les sondages (63 % de personnes favorables à l'ouverture du mariage selon l'Ifop).Mais rien n'est gagnéPrésenté ces jours-ci à l'Assemblée nationale, le projet de loi d'initiative gouvernementale sera ensuite discuté au Sénat au mois de mars. La question de son adoption et de sa promulgation finale, même alors que le gouvernement a définitivement refusé d'y intégrer le droit d'accès pour les lesbiennes à la procréation médicalement assistée, ne peut être considérée comme acquise alors que les homophobes appellent de nouveau à manifester le 3 février, et que les députés de droite ont déposé 5 000 amendements pour lui faire obstruction.L'audition de ces mêmes homophobes par le président de la République en personne – qui en même temps, rappelons-le, continue d'envoyer par le biais de la police et de la justice divers opposants de gauche en garde à vue, voire en prison –, est inadmissible et montre une fois de trop les tergiversations du gouvernement.Au-delà de la mobilisation sur ce projet de loi précis, il faudra veiller à ce que cette dynamique ne s’essouffle pas après le vote, car de nombreuses batailles restent à gagner, comme le don de sang et d'organes pour les gays, les droits des trans… Et les lois ne suffisent pas pour changer de société : on le voit avec le sexisme et le racisme, la fin des lois officiellement homophobes ne signifiera pas la disparition de l'homophobie.Chloé Moindreau
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