La Ville Brûle, 2023, 280 pages, 18 euros.
«La première fois que j’ai fait l’amour, j’avais 17 ans et deux mois, c’était l’automne, et Harvey Weinstein était en une du New York Times. » C’est par ces mots que débute le second roman de Capucine Delattre. C’est l’histoire d’Elsa et des jeunes filles et femmes d’après la tempête #MeToo.
Un monde plus safe ?
L’histoire de celles qui ont cru que la libération de la parole leur permettrait de vivre et d’évoluer dans un monde beaucoup plus safe, sans violences sexistes et sexuelles, avec de nouvelles relations entre les hommes et les femmes, fondées sur le respect mutuel et le consentement. L’histoire de toutes celles qui se sont crues épargnées, qui ont pensé échapper aux agressions et aux viols, aux relations toxiques. L’histoire, enfin, de celles qui se sont crues et vues « mauvaises » ou « fausses victimes », coincées dans un entre-deux, dans la zone grise du consentement. Celles qui ont subi des « porcs » médiocres, banals, au lieu des monstres annoncés. Celles qui ont culpabilisé de n’avoir pas dit « non » assez fort, celles qui ont encaissé parce qu’elles ne croyaient pas pouvoir mériter mieux. Celles qui ont utilisé l’ironie cinglante pour ne pas se confronter à leurs traumatismes.
« C’est terminé ! »
Un monde plus sale que moi est un roman dur, âpre, et malgré tout, délicat, aux formules ciselées finement. La plume de Capucine Delattre est maîtrisée, et ce livre est salutaire dans la période. Aujourd’hui, six ans après #MeToo, c’est comme si rien n’avait changé. Les agresseurs, les violeurs, les hommes violents ont retrouvé (ou gardé) leur place au gouvernement, à l’Assemblée nationale, sur les plateaux télé ou de cinéma, dans les organisations du mouvement social… Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de témoigner. À l’image des footballeuses espagnoles, soutenues largement dans leur pays, il s’agit de dire « Se acabò ! » ou « C’est terminé ! », et de se mobiliser.