Publié le Dimanche 7 février 2010 à 22h38.

Grève des sans papiers : on ne lâchera pas !

6 000 travailleurs sans-papiers, en grève depuis le 12 octobre 2009, poursuivent courageusement, dans des conditions très difficiles, un bras de fer sans précédent contre le gouvernement. Leur détermination est exemplaire. Elle fait face à un gouvernement qui les pourchasse et propage le racisme et l’islamophobie et une droite qui multiplie les provocations racistes et sécuritaires (loi contre la burqa, déni d’asile aux 123 kurdes arrêtés en Corse, « jungle » de Calais, déclarations racistes d’Hortefeux et Morano). Le gouvernement a une attitude encore plus intransigeante qu’en 2008. À l’époque, alors que le mouvement avait regroupé dix fois moins de grévistes, il y avait eu près de 3 000 travailleurs régularisés. Aujourd’hui, la situation est plus difficile. La circulaire du 24 novembre 2009 exclut la plupart des grévistes avec des critères très restrictifs. Le ministère évoque le chiffre de 500 à 1 000 régularisations, alors que 6 000 sans-papiers sont en grève et que 400 000 travaillent en France. Les grévistes sans papiers refusent toujours le dépôt de dossier au cas par cas. Ils luttent maintenant pour une régularisation globale des 6 000 grévistes, passant par l’obtention de promesses légales d’embauche délivrées par chaque entreprise et déposées collectivement au ministère du Travail et non dans chaque préfecture. Le gouvernement parie sur l’usure du mouvement. Les représentants syndicaux attendent toujours un rendez-vous avec le ministère Darcos. Malgré leur courage, les grévistes éprouvent de la lassitude et de l’épuisement. La répression judiciaire et le harcèlement policier ont abouti à l’évacuation des plus gros piquets, dans les agences d’intérim et les chambres patronales. Après bientôt quatre mois de grève, la question financière devient décisive. Les piquets ont besoin d’argent, de charbon pour le froid, de nourriture. Des travailleurs sont contraints de retravailler pour survivre.La grève est soutenue par la CGT, Solidaires, la CNT, de nombreuses associations (RESF, LDH, etc.) et plusieurs dizaines de comités. La question des perspectives traverse le mouvement. Jusqu’à présent, même s’il y a beaucoup de signataires, le soutien des organisations est resté limité et local.

La stratégie de la direction de la CGT a toujours voulu limiter la lutte à la question du travail alors qu’il est évident que la lutte des sans-papiers entre en opposition frontale avec la politique gouvernementale sur l’identité nationale. Cette limitation n’a pas permis l’élargissement du mouvement. La CGT n’a pas cherché à mobiliser ses syndiqués sur cette question au-delà du symbolique. Alors que beaucoup de sans-papiers travaillent chez des sous-traitants de grands groupes,comme Bouygues ou Veolia, jamais il n’y a eu de travail de mobilisation en direction des salariés « légaux » de ces entreprises. Ce sont pourtant tous les salariés qui subissent la pression vers le bas exercée par l’exploitation féroce des travailleurs sans papiers. L’appel au soutien financier a été peu diffusé, ne permettant de collecter que 30 000 euros au niveau national, soit cinq euros par gréviste. Ce n’est que trois mois et demi après le début du mouvement que, face à l’isolement, la CGT a réuni les comités de soutien en Île-de-France. Pourtant les possibilités existent. Malgré la censure médiatique quasi totale, le gouvernement n’a pas réussi à gagner la bataille de l’opinion, comme le montrent les récents sondages.Au KFC les Halles, une grève commune des travailleurs sans papiers et français a été menée, pour la régularisation, des augmentations de salaires et l’amélioration des conditions de travail de tous. Mais cela est resté embryonnaire. Plus que jamais, il est nécessaire de construire un vaste mouvement antiraciste, unissant les travailleurs français et immigrés, avec les syndicats, les associations, les partis de gauche. C’est ce que le NPA a essayé de faire à son échelle.

Le NPA a initié un appel des partis de gauche de soutien actif aux grèves, mais cela ne s’est pas traduit par une mobilisation réelle des autres partis, qui séparent campagne électorale et luttes sociales. Mais tout n’est pas perdu, bien au contraire. Même si la situation des grévistes est difficile, avec le risque d’un délitement du conflit entreprise par entreprise, cette lutte constitue déjà une victoire dans la bataille de l’opinion publique.

Il faut poursuivre le combat pour la régularisation de tous les grévistes, cequi constituerait une défaite pour le gouvernement. Il faut que les sans-papiers s’invitent dans la campagne électorale. Il faut augmenter le soutien, en particulier au niveau financier. RESF vient de collecter 10 000 euros pour les grévistes et lance un appel national au développement des comités de soutien partout en France. Il y a urgence. Leur lutte est la nôtre.

Antoine BoulangéVous pouvez effectuer un don en ligne à :www.solidarites.soutiens.org/category/archives/sanspapiers