Le site de Megaupload a été fermé le 19 janvier par la justice américaine, et ses dirigeants ont été arrêtés. Les autorités ont ainsi franchi un pas de plus dans la répression contre l’Internet libre, au seul profit des majors. Pour les internautes, Megaupload, qui vient de fermer sur décision de justice, était un site incontournable où l’on pouvait télécharger et regarder films et séries en streaming1.
Son dirigeant Kim Schmitz, surnommé Kim Dotcom, avait instauré un principe simple : le « direct download »2. Chaque internaute pouvait déposer un fichier sur leurs serveurs, fichier qui pouvait ensuite être téléchargé gratuitement par d’autres internautes, que ce soient des fichiers personnels, des films ou de la musique protégés normalement par le droit d’auteur. Megaupload qui proposait aussi des services payants pour accroître la vitesse de téléchargement, était fréquenté par 25 millions de visiteurs par jour. Mais jeudi 19 janvier, le département américain de la justice a décidé d’intervenir pour faire tomber le géant du streaming.
Le 5 janvier, les jurés ont estimé que les éléments à charge étaient suffisants pour une mise en accusation formelle. Cinq infractions ont été retenues : association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de racket, infraction à la propriété intellectuelle, blanchiment d’argent ainsi que deux autres infractions (présumées) pour atteintes au copyright. Remettant en cause le fait que les internautes soient récompensés financièrement pour mettre en ligne les fichiers les plus populaires sous copyright, le FBI dénonce la reproduction et la distribution illégale de contenus protégés par le droit d’auteur. Interpellé en Nouvelle-Zélande, Kim Dotcom a donc vu son empire s’effondrer quand les autorités américaines ont visé ses infrastructures (serveurs, disques durs) et on saisi les dix-huit noms de domaines associés.
Cette décision survient au lendemain d’une mobilisation de sites américains contre deux projets de loi (PIPA et SOPA3) visant à défendre les droits d’auteur en facilitant le blocage des sites contrevenants sans intervention de la justice. Elle a provoqué un véritable tremblement de terre sur la toile. Celle-ci est en train de déclencher une cyberguerre civile mondiale entre internautes et pouvoirs publics. La partie visible de cette frange de l’Internet libre a trouvé un porte-voix à travers le groupe d’activistes Anonymous qui a répliqué dès l’annonce de la fermeture de Megaupload en noyant un certain nombre de sites sous des requêtes de connexions, entraînant la mise hors service des sites du ministère américain de la Justice, d’Universal Music et de l’industrie musicale américaine (RIAA). En France, le site de la Hadopi, du ministère de la Défense et de l’Élysée ont aussi été visés.
Mais pourquoi les Anonymous réagissent-il sainsi à la fermeture de Megaupload ? Peut-être simplement parce que cette attaque envers le site présage de nouvelles restrictions de libertés sur Internet. Anonymous ne cherche donc pas à défendre Kim Dotcom, suspecté d’avoir monté une mafia, mais plutôt à défendre Internet contre la censure, contre les lois américaines SOPA/PIPA et la version européenne ACTA qui prévoient d’effacer de la toile tous les sites diffusant des contenus protégés.
Au lieu de repenser la façon d’échanger des contenus sur Internet, en tenant compte des auteurs et des ayants droits via par exemple l’instauration d’une licence globale, nos gouvernements font désormais le choix clair d’un flicage perpétuel de nos contenus. Sarkozy, qui se félicite de la fermeture de Megaupload, se range donc une fois de plus du côté des majors et des multinationales, au détriment des artistes et des consommateurs. C’est d’ailleurs dans cet esprit répressif basé sur la suppression systématique des contenus qu’il compte mettre en place la loi Hadopi 3 pour supprimer l’accès aux vidéos en streaming. On peut donc aisément imaginer que les activistes d’Anonymous vont encore faire parler d’eux très bientôt.
Coralie Wawrzyniak1. Lecture en continu.2. Téléchargement direct.3. « Protect IP Act » et « Stop Online Piracy Act ».