Il est scientifiquement prouvé qu’un certain type de conditions de travail a des incidences sur la santé et réduit la durée de vie (l’espérance de vie, c’est-à-dire le nombre d’années qu'il reste à vivre)...
Ainsi le travail de nuit a pour conséquence des troubles du sommeil, des risques cardiovasculaires accrus et, selon certaines études, une probabilité plus élevée de cancers, notamment du sein et colorectal. Pour vendre la réforme des retraites de 2013 et l’augmentation du nombre de trimestres nécessaires pour une retraite à taux plein, le gouvernement a annoncé la création en 2015 d’un « compte personnel de prévention de la pénibilité ». Chaque salarié travaillant dans des conditions pénibles (travail de nuit, températures extrêmes, bruit…) y accumulera des points qui pourront lui donner la possibilité de partir plus tôt.Le compte pénibilité est donc dans son principe la contrepartie d’une réforme applaudie par le Medef. De la même façon, une autre mesure contre laquelle le patronat part aujourd’hui en guerre, un nombre minimal d’heures hebdomadaires pour les contrats à temps partiel, était prévue dans l’accord flexibilité (ANI) de 2013. Mais négocier avec le Medef est un jeu de dupes : quand il fait une concession, il manœuvre aussitôt pour la reprendre !
La ténacité patronale, une leçon... pour les directions syndicales !Le compte pénibilité devait entrer en vigueur pour tous le 1er janvier 2015. Le patronat avait été amplement consulté dans son élaboration. Mais, dès le dispositif acté, le Medef a commencé son travail de sape pour lequel il a bénéficié de toute l’attention du gouvernement. En mai 2014, il obtient le report de la cotisation prévue pour financer le dispositif. En juillet, il obtient le report partiel de la réforme : seuls certains facteurs de pénibilité (quatre au lieu de dix fixés au départ) et une partie seulement des salariéEs (les plus de 55 ans) seront concernés en 2015. Le reste du dispositif sera amendé... et reporté à 2016.Les syndicats protestent. Mais le Medef encouragé par les reculs gouvernementaux pousse son avantage. Immédiatement, Macron dit qu’il va faire des concessions. Peu importe que ce soit dans le champ d’action de sa collègue Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales : le « boss », c’est bien lui, avec le soutien de Valls. Peu importe que ça mécontente la direction de la CFDT, fidèle allié du gouvernement. Peu importe que ce soit prévu par une loi : « il ne s’agit pas de déchirer une loi du jour au lendemain mais il ne s’agit pas non plus de dire que tout va bien dans le meilleur des mondes » a-t-il lancé devant un parterre de chefs d’entreprises françaises et allemandes. « Il y a un ajustement à faire au réel qui se fera dans les prochains mois. Je peux vous le garantir car c’est la volonté du Premier ministre ». La messe est quasiment dite. En fait, même s’il ne le dit pas encore, le Medef ne veut d’aucun système qui contraigne les patrons à déclarer les risques auxquels sont soumis les salariéEs : il existait déjà des fiches d’exposition... mais elles étaient loin d’être toujours remplies !En 2006, au moment du CPE (contrat première embauche, contrat au rabais pour les jeunes), il avait fallu un mois de manifestations massives de jeunes et de salariéEs pour que le gouvernement refasse voter une loi abrogeant le CPE. Là, il suffit que Gattaz et quelques patrons de PME sortent leurs sifflets pour que le gouvernement se prépare à reculer. Pour les directions syndicales, il y aurait au moins une leçon à retenir : ce n’est pas en jouant les interlocuteurs raisonnables qu’on obtient quelque chose d’un tel gouvernement. Surtout quand celui-ci, malgré les effets de manche, est totalement dans le même camp !
Henri Wilno