Alors que le mouvement social était mobilisé contre la loi sur les retraites, les sénateurs ont adopté la Loppsi 2, véritable déchaînement sécuritaire faisant échos aux déclarations de Sarkozy cet été. Le 10 septembre, les sénateurs ont adopté le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure - Loppsi 2 - par 177 voix contre 153. Lors de son vote en première lecture par l’Assemblée nationale en février dernier, ce texte s’attaquait déjà aux droits et libertés. Ainsi, il visait déjà les Roms, les biffins, les vendeurs à la sauvette, les ferrailleurs :notamment avec la qualification de délit passible du tribunal correctionnel et de six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende pour l’infraction de vente à la sauvette. Mais il a été considérablement aggravé, conformément aux déclarations sécuritaires du gouvernement cet été. Ainsi, à la dernière minute une trentaine d’amendements ont été ajoutés dont certains ont été rejetés par la commission des lois (peines plancher, comparution immédiate pour les mineurs, peine incompressible de trente ans pour les tueurs de policiers). Mais les sénateurs de l’UMP, toujours aux ordres, ont fini par les voter légèrement corrigés. Les trois principaux amendements symbolisent la politique sécuritaire du gouvernement. Ainsi, les peines planchers créées en 2007 pour les « multirécidivistes » pourront s’appliquer dès le premier délit pour les auteurs de violences volontaires aggravées s’il y a une incapacité totale de travail (ITT) de quinze jours et que la peine encourue est de dix ans. C’est l’accentuation d’une justice qui ne juge que l’acte et ne prend plus en compte le contexte familial, social et économique de l’auteur. Les peines incompressibles de prison passeront de 22 à 30 ans pour les meurtres de policiers ou de gendarmes, mais également de magistrats, de membres de l’administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique. Jusque là, les peines incompressibles existaient pour les meurtriers d’enfants avec circonstances aggravantes et n’ont été utilisées que trois fois tant elles ressemblent à une condamnation à une mort lente. Dorénavant la procédure de comparution immédiate, moins respectueuse des droits des enfants et plus expéditive que la procédure habituelle pourra s’appliquer aux mineurs si le procureur le décide et dès lors (ajout du Sénat) que celui-ci a déjà été jugé dans les six mois précédents pour des infractions similaires. Cette justice expéditive appliquée aux mineurs, constitue non seulement le coup de grâce de l’ordonnance de 45 qui privilégiait les réponses éducatives, mais aussi la fin de l’idée qu’un enfant, qu’un adolescent est éducable. Dans le collimateurD’autres amendements pénalisent plusieurs catégories de la population qui sont particulièrement dans le collimateur du gouvernement. Les étrangers dans l’attente d’une mesure d’éloignement qui dérogent aux obligations de présentation périodique à la police seront passibles d’un an de prison. La procédure d’évacuation d’office des caravanes et campings visant les gens du voyage a été étendue pour expulser sans jugement les habitants de bidonvilles, les sans-abris vivant dans les bois. En revanche, les amendements anti-squats (expulsions arbitraire de locaux, criminalisation renforcée de l’occupation de la résidence d’autrui), ont été retirés grâce à la mobilisation des associations de droit au logement. Mais le répit que cela constitue pour les squatters, les sous-locataires, les logés gratuits risque d’être de courte durée, puisque Hortefeux a déjà averti qu’il le réintroduirait au moment du deuxième passage du texte à l’Assemblée. Pour les migrants, des tribunaux seront créés à l’intérieur des zones de rétention. Par ailleurs, ceux qui font l’objet d’une mesure d’expulsion et sont assignés à résidence pourront être expulsés du territoire s’ils ne respectent pas les obligations de pointage. Le mouvement social est également visé. Les manifestations lors de conseils municipaux, généraux ou régionaux constituent des infractions pénales.Le contrôle social est renforcé avec l’assouplissement du secret professionnel et l’échange de renseignements entre les agents de l’État et les organismes de protection sociale pour lutter contre la fraude. À Pôle emploi, des agents assermentés seront chargés de dresser des PV de fraude.Les directeurs de police municipale deviennent agents de police judiciaire et les policiers municipaux seront autorisés à pratiquer des contrôles d’identité sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire. Lorsqu’un policier, un gendarme, un membre de l’administration pénitentiaire ou un magistrat aura été exposé à un risque de contamination par une maladie virale grave dans l’exercice de ses fonctions, un dépistage HIV pourra être imposé. La loi Loppsi 2 nécessite une mobilisation d’ampleur. Le gouvernement frappe sur tous les terrains et sa politique sécuritaire est l’autre versant de sa politique antisociale.Anne Leclerc