Publié le Vendredi 5 juillet 2024 à 11h00.

Erim Can

Erim vient d’être emporté, à 52 ans, par un cancer foudroyant. Il s’était éloigné du militantisme, amer et déçu par nos revers, après l’enthousiasme des belles années du NPA, en particulier chez nous dans l’Eure.

Erim, jeune kurde alévi promis à un avenir de berger dans les collines d’Erzincan, s’était retrouvé à l’école primaire à Louviers après l’embauche de son père dans une usine locale. À 15 ans, jeune rebelle « des quartiers », il avait pris contact avec la LCR. Ses « années lycées », comme celles de son compère Olivier, furent très occupées : SOS Racisme, grèves, tracts, collages, prises de parole, manifs, et pour finir un massif comité lycéen contre la guerre du Golfe… Leur groupe de JCR dynamiques profita de l’expérience et du savoir-faire des militantEs aînéEs, et ils et elles eurent l’occasion de découvrir les problèmes bien différents qui se posaient à des ouvriers révolutionnaires avec des responsabilités syndicales, chez Wonder ou chez Renault Cléon, ainsi que l’activité municipale du groupe « À gauche vraiment ».

Mais Erim était alors un révolté, un écorché vif. Étudiant à la fac de Rouen mais toujours leader reconnu dans son quartier, il avait été désigné par le maire-adjoint à la sécurité — alors au PCF — comme l’instigateur d’un affrontement avec la police. Il fut arrêté, comme plusieurs de ses camarades. Une vigoureuse campagne de protestation, ponctuée par deux manifestations de près d’un millier de personnes, déboucha sur leur libération au bout de trois semaines. L’affaire fut discrètement classée plus d’un an après, mais lui et les autres, tous racisés, en ont payé le prix en termes de refus d’embauche…

Plus tard, ayant obtenu sa naturalisation, après bien des années de petits boulots, il réussit le CAPES de physique-chimie. Au lycée de Val-de-Reuil, au collège F. Buisson à Louviers, il fut un prof consciencieux qui se souvenait du sale gamin qu’il avait été. Il laisse un garçon de 13 ans, qu’il élevait seul depuis la disparition de sa mère, Florence, il y a huit ans déjà. C’était l’amour de sa vie ; elle l’avait transformé. Il ne s’était pas remis de sa disparition et s’était replié sur lui-même. Erim, tu resteras vivant dans notre mémoire, rayonnant comme tu l’étais aux plus beaux moments.

Ses amiEs et camarades, le NPA Seine-Eure