Publié le Mardi 7 avril 2020 à 13h57.

À Tours, face à la crise sanitaire, la solidarité !

À l’heure du confinement, à Tours, l’association La Table de Jeanne-Marie (TJM) continue plus que jamais à jouer son rôle solidaire pour accueillir les plus démuniEs, particulièrement vulnérables en ces temps de crise dramatique.

La TJM a ouvert en janvier 2016 dans des locaux proches de la place Velpeau, afin de soulager Rose-Marie qui préparait des repas à une trentaine de migrantEs dans la petite cuisine du local de l’association Chrétiens-Migrants. A l’initiative de quatre associations (RESF, Emmaüs 100 pour 1, Chrétiens-Migrants et La Maison Saint-Martin), l’association a été créée pour donner à manger tous les jours de l’année à celles et ceux qui n’ont rien.

Les principes constitutifs sont définis sur la base de l’expérience des «fondateurs» : ne fonctionner que grâce aux dons des particuliers et à l’engagement des bénévoles ; lutter contre le gaspillage alimentaire en récupérant les invendus auprès des commerces et des épiceries sociales ; ne pas accepter de subventions des pouvoirs publics pour garantir l’indépendance de l’association vis-à-vis des politiques ; accueillir toutes les personnes inconditionnellement (car rapidement il n’y eut pas que des migrantEs à venir déjeuner) ; et toujours réclamer des pouvoirs publics l’application de la «loi» : aucune personne ne doit être à la rue et ses besoins matériels, de santé et d’éducation doivent être pourvus.

«Que ferions-nous si la Table de Jeanne-Marie n’existait pas ?»

Très vite, la TJM est victime de son succès, de 30 personnes accueillies au début, cela dépasse assez régulièrement 70 personnes dans des locaux devenus trop exigus.

Au 1er janvier 2018, la TJM se retrouve elle-même à la rue, se déplace de salle paroissiale en salle paroissiale et est obligée de distribuer des soupes place Neuve pendant deux semaines en hiver en plein cœur du quartier du Sanitas. Mais la preuve que la TJM répond à un besoin que les pouvoirs publics refusent de satisfaire est que les bénéficiaires suivent les différents lieux de distribution.

Pendant cette période difficile, toutes les administrations et tous les élus trouvaient «admirable» l’activité de la TJM mais aucun n’a voulu lui attribuer des locaux alors que de nombreux étaient vacants dans le quartier du Sanitas.

En juin 2018, une opportunité nous permet de sous-louer des locaux rue Febvotte qui correspondent à nos besoins et nous aménageons une cuisine quasiment aux normes dans le grand garage attenant. Enfin, la TJM reprend son activité et prépare les repas distribués en deux services de 50 personnes. Autour de la TJM se mettent en place, dans les locaux, l’après-midi, des cours de français, des cours de maths, de la couture, des ateliers d’arts plastiques, des activités sportives.

La TJM avec ses 60 à 70 bénévoles et ses près de 2 000 euros de dons mensuels est devenue un lieu incontournable dans la solidarité avec les migrantEs sur Tours. C’est même devenu le lieu où se croisent les différents militantEs : celles et ceux du RESF (les locaux sont maintenant au 1er étage), celles et ceux d’UTOPIA 56 (les jeunes du Plan B venaient déjeuner tous les jours à la TJM), évidemment celles et ceux de Chrétiens-Migrants. Parmi les bénévoles, nombreux sont militantEs du Collectif solidaire des migrants de Saint-Pierre-des-Corps, du Secours catholique, de la Barque, de la Croix rouge. Même les administrations indiquent la TJM aux migrantEs qu’elles reçoivent. Lors d’une réunion, le directeur de la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) déclare : «Que ferions-nous si la Table de Jeanne-Marie n’existait pas ?»

 La TJM à l’heure du confinement

La veille du confinement, l’équipe du lundi met en place ce que sera l’organisation de la TJM : pas plus de dix personnes en même temps dans la salle à manger et distribution de « paniers-repas » à emporter. La réunion des bénévoles prévue le soir même valide cette organisation et affirme sa détermination à poursuivre son activité malgré le confinement. Les bénévoles ne devront pas être plus de six en cuisine pour pouvoir respecter le plus possible les gestes barrières. Le lendemain, la charge de la TJM devient importante suite à la fermeture du local des Restos du cœur qui sont à 20 mètres (la grande partie des bénévoles a plus de 70 ans et refuse de continuer) ; les ayants droit se reportent sur la TJM.

La DDCS décide de maintenir 24h sur 24 les personnes dans les hébergements d’urgence, les foyers, de loger en hôtel les jeunes du Plan B et toutes les personnes qui appelleront le 115 et d’ouvrir le gymnase Paul-Racault pour les SDF.

Contact est pris avec la DDCS pour coordonner les actions de solidarité entre toutes les associations. La TJM nourrit les 25 personnes à Paul-Racault, les familles hébergées à l’hôtel Vinci (17 adultes, 6 enfants et 4 bébés) avec des repas chauds, plus toutes celles et tous ceux qui passent à travers les mailles du filet qui pour certainEs sont encore à la rue (une dizaine au petit déjeuner et une trentaine pour le déjeuner essentiellement avec des paniers-repas). Auxquels se sont ajoutés une quinzaine de «démuniEs» du quartier Paul-Bert, sur une initiative de militantEs. Ce qui fait que la TJM nourrit environ une centaine de personnes autant qu’avant le confinement, mais ce ne sont plus vraiment les mêmes.

Bilan provisoire

Lorsque les Restos du cœur et la Banque alimentaire ont cessé pendant trois jours de distribuer des repas par manque de bénévoles et que le Secours populaire a reçu la consigne nationale de cesser également de distribuer l’aide alimentaire (il est revenu rapidement sur cette décision), la TJM a assuré la continuité de son aide : rappelons une évidence que malgré ce connard de virus les gens mangent tous les jours.

La TJM n’a aucun problème d’approvisionnement, le confinement de la population modifie le circuit de distribution de la nourriture et énormément d’invendus arrivent des grandes surfaces. S’ajoutent plusieurs initiatives de solidarité : des scouts qui font des desserts, des habitantEs de Fondettes qui font des quiches.

Pour assurer le confinement, la préfecture (DDCS) a hébergé toutes les personnes à la rue (certains SDF restent réticents), ce qu’elle refusait de faire les années précédentes à la fin du plan hiver, elle héberge cette année 700 personnes. Et pour nourrir toutes les personnes confinées, elle a eu besoin de la TJM. Nous saurons lui rappeler et en espérant que la mobilisation de fin de confinement permette de maintenir les personnes dans des logements et les régulariser.