En 2007, le patron de Taser a fait espionner Olivier Besancenot et sa famille. Depuis jeudi 29 novembre, neuf prévenus comparaissent à Paris dans le cadre de cette affaire. Retour sur les enjeux de ce procès.En mai 2008, l’Express révèle que d’octobre 2007 à janvier 2008, Olivier Besancenot, sa compagne, son enfant et d’autres de leurs proches ont été étroitement espionnés par une officine d’enquête privée diligentée par Antoine Di Zazzo, patron de SMP-Technologies, société distributrice du Taser en France. Officiellement, il s’agissait pour Di Zazzo, qui aujourd’hui nie l’essentiel des faits – s’affirmant victime d’un complot – de « recherches cadastrales » pour trouver l’adresse du porte-parole de la LCR et lui envoyer une assignation en justice dans le cadre d’une plainte en diffamation car il avait déclaré pendant la campagne électorale de 2007, en se basant sur un rapport d’Amnesty International, que le Taser était responsable de dizaines de morts aux États-Unis. Rumeurs et espionnageParallèlement, Di Zazzo dit avoir voulu vérifier des « rumeurs » véhiculées par la « fachosphère » et prétendant que Besancenot était doté d’un important patrimoine, afin de le déstabiliser politiquement dans le cadre du procès à venir – qui a finalement été perdu par Taser. Pendant des semaines, les barbouzes ont donc pisté la famille du militant à la recherche d’une mystérieuse Porsche Cayenne, sans doute cachée dans l’école du petit, au local de la LCR ou dans les couloirs du métro. Elles ont pu également, grâce à la complaisance de fonctionnaires et employés de banque verreux, avoir frauduleusement accès à plusieurs fichiers protégés : fichier des cartes grises, comptes bancaires. Les moyens mis en place pour cette « surveillance » apparaissent totalement disproportionnés par rapport aux buts affichés, allant jusqu’à louer une chambre d’hôtel en face de l’appartement familial.Si le plus choquant pour le couple est sans aucun doute le fait que Di Zazzo se soit retrouvé en possession de photos de leur jeune fils, malheureusement, il n’est pas possible de poursuivre les espions pour cela. Ceux-ci s’appuient en effet sur une loi de 2003 réglementant la profession de détective privé et autorisant les filatures, et plus généralement sur le fait qu’il n’est pas interdit de prendre des photos dans la rue. Sur ce point, le parquet reconnaît un vide juridique, même si du côté des parties civiles, la question d’une qualification pénale pour ces actes mérite quand même d’être posée.Une tribune politiqueEn revanche, l’accès non autorisé à des bases de données protégées constitue le principal chef d’accusation contre Di Zazzo et sa bande, et Olivier Besancenot compte bien utiliser ce procès comme une tribune politique visant à interroger le rôle de ces officines, des fichiers et de la protection des données privées. D’autant que son affaire n’est pas isolée : ainsi, début 2012, on a découvert que le groupe Ikea a fait espionner en France certains de ses salariés – notamment un syndicaliste CGT – et plusieurs de ses clients. Le Parisien et Mediapart ont révélé l’ampleur des renseignements ainsi extorqués : identifiant et mail personnel obtenus auprès de Google et Facebook, acte de propriété du domicile, régime matrimonial, etc.Pour contrer ces graves atteintes aux libertés individuelles, Noël Mamère, qui soutient Olivier Besancenot depuis le début, entend déposer un projet de loi courant 2013. D’ici là, le verdict du procès aura été rendu et on espère qu’un débat accompagné d’une large mobilisation l’accompagnera.O.G.
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