« Liberté, Houria, Azadi », ce samedi 12 mars des milliers de manifestantEs ont crié, en français, en arabe et en pachtoune dans les rues de Paris leur refus de l’état d’urgence et des lois sécuritaires et liberticides ainsi que leur nature raciste et islamophobe.
Des manifestations et rassemblements ont aussi eu lieu dans de nombreuses villes : Lyon, Grenoble, Le Mans, Toulouse, Bordeaux, etc.
La journée était appelée par les deux collectifs unitaires Nous ne céderons pas et Stop état d’urgence. à Paris, Nous ne céderons pas avait souhaité se limiter à un rassemblement au Panthéon tandis que Stop état d’urgence appelait à manifester à partir de la place Saint-Michel pour rejoindre ce rassemblement. Un pari gagnant qui a conduit plusieurs milliers de manifestantEs à rejoindre la centaine de présentEs au Panthéon.
La manifestation, colorée et animée, a permis de faire converger Sans-papiers, réfugiéEs, BDS, Mal-logéEs, étudiantEs et lyceéenEs avec le Syndicat de la Magistrature, Solidaires ou encore un cortège du NPA. La distribution de flyers dans la manifestation du 9 mars contre la loi El Khomri a porté ses fruits : de nombreux jeunes sont venus faire le lien entre la politique antisociale et policière du pouvoir.
Lors des prises de parole, la représentante du Syndicat de la magistrature a dénoncé la logique de l’état d’urgence qui ne passe pas que dans le projet de constitutionalisation mais aussi dans les lois comme la réforme pénale votée massivement en première lecture à l’Assemblée nationale et qui développe le « permis de tuer » pour les flics. Un « die-in » (manifestantEs qui s’allongent pour symboliser les mortEs) contre ce permis de tuer a ponctué le parcours sur le boulevard Saint-Michel.
Mi-figue mi-raisin
Cette journée est bien sûr largement en dessous du nombre de participantEs aux manifestations du 30 janvier dernier. Beaucoup de têtes et d’énergies sont actuellement investies dans le mouvement contre la loi El Khomri... Comme l’a dit Olivier Besancenot lors de son intervention, imposer une défaite au gouvernement sur ce front participera à la lutte contre l’état d’urgence, surtout si c’est au travers d’un mouvement de rue et de grèves : les exacts opposés de l’état d’urgence.
Par ailleurs, le projet de constitutionalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité est en passe d’échouer. C’est bien sûr positif et à mettre au crédit de la mobilisation multiforme des derniers mois, mais ce serait cependant une profonde erreur de baisser la garde. D’abord parce que rien n’est acquis. Ensuite parce que la logique politique de l’état d’urgence progresse par d’autres voies, notamment celle des lois. Enfin parce que lâcher ce type de lutte serait mener le mouvement contre la loi El Khomri dans une impasse en le limitant au refus d’une loi sans percevoir la dynamique de colère générale qu’il exprime.
Il n’est donc surtout pas temps de crier victoire et de siffler la fin de la mobilisation. La criminalisation des membres de BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanctions), dont une militante a été interpellée lors d’une manifestation féministe parisienne pour la seule raison qu’elle portait un T-shirt « Boycott Israël » est un nouvel avertissement.
à Paris, le collectif Stop état d’urgence appelle à un meeting contre la nouvelle loi pénale et le permis de tuer pour la police le 21 mars. La lutte contre l’état d’urgence doit continuer, imprégner tous les fronts, et donner lieu à de nouvelles journées nationales. Lâcher sur cela serait finalement risquer de lâcher sur tout. Et d’abord sur l’essentiel : la liberté. Tout simplement.
Denis Godard