Jeudi 3 septembre, nous nous sommes retrouvés à près de 200 devant le tribunal de Guéret pour apporter notre soutien à un jeune Creusois inculpé pour « entrave à la circulation de personnel et de matériel militaire en vue de nuire à la défense nationale » ! L’objet du crime ? Un cadenas…
C’est en novembre dernier qu’une centaine d’habitants de La Montagne-Limousine manifestaient à Eymoutiers (Haute-Vienne) suite à l’assassinat du jeune militant écologiste Rémi Fraisse à Sivens. Après un pique-nique et quelques chansons, un cadenas était apposé symboliquement sur les grilles de la brigade de la gendarmerie. Sept mois d’enquête et un dossier de plus de 500 pages révèlent une débauche de moyens policiers (relevés de plaques d’immatriculation, planches photos, opérations de la police scientifique pour trouver des traces biologiques, filatures, réquisition auprès des opérateurs téléphoniques, investigations numériques...) pour aboutir à ce chef d’inculpation.
L’infraction pour « entrave violente à la libre circulation de matériel militaire », créée en 1950 au moment de la guerre d’Indochine, puis largement employée au cours de la guerre d’Algérie pour réprimer des insoumissions, avait d’ailleurs frappé des habitants de la région en mai 1956 à La Villedieu (à 15 km de là) pour avoir soutenu un convoi de jeunes en partance pour l’Algérie qui manifestaient leur opposition à la guerre coloniale. Cette infraction, plus utilisée après les années 60, est ressortie du placard pour la circonstance.
Au tribunal, la défense s’est fait un plaisir de tourner en ridicule cette enquête sur ce cadenas symbolique et les chefs d’inculpation retenus contre le manifestant. Il n’en reste pas moins qu’une amende de 1 000 euros avec sursis a été requise et le jugement mis en délibéré au 8 octobre… Plus de 50 personnes sont actuellement en prison, assignées à résidence, sous contrôle judiciaire, ou convoquées devant la justice, suite à des manifestations similaires partout en France.