Le 17 Octobre 1961, à l’appel de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN), ce sont plusieurs dizaines de milliers d’AlgérienEs, hommes, femmes et enfants, qui vont tenter de se regrouper en trois manifestations à Paris pour protester contre les violences exercées par la police depuis des mois et la mise en place d’un couvre-feu depuis le 5 octobre. La police tente d’empêcher les regroupements en procédant à des milliers d’arrestations, au matraquage, à la noyade, à l’assassinat des manifestantEs. Après les arrestations, les AlgérienEs sont entassés dans des conditions d’hygiène insupportables dans des commissariats, au Palais des Sports de la porte de Versailles, dans le stade Pierre de Coubertin et à la préfecture de police de Paris où ils et elles sont de nouveau humiliéEs, tabasséEs, assassinéEs en masse.
Le bilan de ces jours de terreur raciste continue à faire débat. Alors que l’on connaît à l’unité près le nombre de mortEs du Bataclan ou du 11 septembre 2001, les « meurtres coloniaux » restent inchiffrables. De Sétif et Guelma à la bataille d’Alger, en passant par la révolte à Madagascar en 1947, le bombardement de Haïphong (1946) et la guerre d’Indochine, on doit se contenter de sinistres sous-estimations officielles et les chiffres des historienEs sont régulièrement contestés.
Des crimes inchiffrables mais pas indéchiffrables. Les exactions policières, notamment racistes, sont non seulement « couvertes » par la hiérarchie et le pouvoir mais préparées, organisées par celui-ci. Une tradition de la « police républicaine », de Jules Moch à Darmanin en passant par Mitterrand, Pasqua, Sarkozy ou Valls, illustrant la formule d’Engels qualifiant l’État de « bande d’hommes en armes ».
La reconnaissance partielle des faits, une plaque ou un monument érigés ici ou là ne sauraient susciter oubli ou pardon. Et l’on ne peut rien espérer d’un Macron qui tente d’imposer la vision du colonisateur au peuple algérien et marche sur les plates-bandes de l’extrême droite, et alors que, de l’extrême droite au PCF, « tout le monde aime la police ». La mobilisation des historienEs, des militantEs antiracistes et anticolonialistes, devra imposer que soit reconnu ce crime d’État.