11 mars 2011. Un puissant séisme, dont l’épicentre est situé dans l’océan Pacifique à 400 km de Tokyo, ébranle le Japon. L’archipel se déplace de 2,40 mètres vers l’est et le littoral s’enfonce de 80 cm, provoquant un raz-de-marée (tsunami). Une vague de 10 à 40 mètres atteint la côte en moins d’une heure, pénétrant 10 km à l’intérieur des terres. Aux 20 000 morts, 2 600 disparuEs et milliers de blesséEs (la plupart victimes du tsunami), aux destructions d’habitations et d’infrastructures (estimées à 200 milliards d’euros), s’est greffée une autre catastrophe : l’accident nucléaire de Fukushima. La digue « indestructible » de 11 mètres de haut destinée à protéger les six réacteurs de la centrale a été submergée par la vague de 15 mètres du tsunami. Les réacteurs 5 et 6, construits 20 mètres au-dessus du niveau de la mer, sont restés au sec. Mais la plateforme des réacteurs 1 à 4, située 10 mètres plus bas, a été noyée. Sur cette côte, d’autres tsunamis avaient pourtant dépassé ces hauteurs (38 mètres en 1896, 29 mètres en 1933). Mais pour minimiser les coûts, TEPCO, l’exploitant privé de la centrale, avait construit au plus près de la mer… avec l’accord du gouvernement. Malgré ce risque avéré, l’Autorité nucléaire japonaise avait prolongé de 10 ans la licence d’exploitation de la centrale… un mois avant l’accident. Occultée par le lobby nucléaire, leur responsabilité est accablante.
Une dynamique infernale
Ce 11 mars 2011, les réacteurs 4, 5 et 6 sont à l’arrêt pour maintenance, mais la piscine d’entreposage du réacteur 4 est pleine de combustible, l’équivalent de trois réacteurs. Grâce aux détecteurs sismiques, les réacteurs 1, 2 et 3 fonctionnant à pleine puissance s’arrêtent automatiquement avant l’arrivée de la vague. Il faut continuer à les refroidir plusieurs jours. Mais le tsunami a détruit l’alimentation électrique et les groupes électrogènes de secours ; des débris divers ont bouché les prises d’eau du refroidissement. Au bout de quelques heures, c’est la fusion du cœur : transperçant les cuves en inox, il s’enfonce dans les socles de 8 mètres d’épaisseur des réacteurs 1, 2 et 3, formant un amalgame très radioactif de béton et métaux fondus, le « corium ». D’énormes quantités de produits radioactifs sont rejetés dans l’atmosphère et aussi beaucoup d’hydrogène, très explosif. Le 12 mars, le réacteur 1 explose ; le 14 mars, c’est le réacteur 3 ; le 15 mars le réacteur 2, et un incendie se déclare au niveau de la piscine du réacteur 4. Déjà endommagée, elle risquait de répandre autant de radioactivité que 10 000 bombes d’Hiroshima. La course contre la montre pour la vider n’a pris fin qu’en décembre 2014. TEPCO prévoit d’extraire les combustibles des piscines des réacteurs 1 et 2 à partir de 2028, mais reste évasif pour celle du réacteur 3, tâche « extrêmement complexe ». Aucune date pour le démantèlement des réacteurs : à l’approche des cœurs fondus, les robots blindés ont tous été détruits par la puissance des radiations.
Une catastrophe écologique et sanitaire
Au total 100 000 personnes ont été évacuées et 70 000 autres ont quitté la région. Contrairement à la propagande officielle, seuls 10 % des employéEs de TEPCO sont restés sur place. Les autres ont fui pour rejoindre leurs familles. Dans des conditions effroyables, 5 000 « premiers de corvée », pompiers et travailleurEs, souvent recrutés par la mafia, se sont mis en danger lors des opérations de refroidissement, de rafistolage ou de décontamination. Des SDF « jetables » ont décapé et stocké dans des sacs des millions de m3 de terres contaminées. Malgré la congélation à l’azote du sol sur 1 400 mètres et 20 mètres de profondeur pour confiner et pomper les eaux contaminées, les infiltrations et les centaines de m3 d’eau déversés quotidiennement pour refroidir les cœurs en fusion s’écoulent toujours dans l’océan, contaminant les écosystèmes. La capacité des cuves de stockage (1,3 million de m3) sera saturée en juin 2022. Les autorités envisagent de diluer leur contenu dans la mer pendant 20 ans ou de l’évaporer dans l’atmosphère pour ramener la contamination radioactive à des taux « acceptables ». Plus jamais ça !