Dans les jours qui ont suivi son entrée en fonction, Trump a dénoncé des investissements prévus par Ford, General Motors et Toyota au Mexique, menaçant en particulier d’une taxe de 35 % toute voiture fabriquée à l’extérieur, puis vendue aux États-Unis.
Marine Le Pen s’est félicité que Trump veuille mettre en place « un patriotisme économique et un protectionnisme intelligent » et prétend vouloir faire la même politique en France.
La crise qui a fait irruption en 2008 n’a pas fini de produire tous ses effets dévastateurs. Aux États-Unis, les firmes General Motors et Chrysler en faillite ont été renflouées grâce aux fonds publics fournis par l’administration Obama et ont restauré leurs profits. Mais cela au prix du cassage des anciennes conventions collectives et de dizaines de fermetures d’usines, principalement dans la région historique autour de Detroit. Le résultat des élections américaines porte la marque de ce désastre.
Un transfert vers le sud des États-Unis étendu au Mexique
Le transfert de l’appareil de production installé dans la région historique de Detroit a commencé par le Sud des États-Unis, où Nissan, Toyota et Volkswagen ont construit leurs nouvelles usines. Ce mouvement s’est prolongé vers le Mexique, devenu en dix ans le 7e producteur automobile mondial avec une augmentation de sa production de 70 % contre seulement 10 % aux États-Unis. Les flux de pièces et de moteurs en provenance des États-Unis et à destination de ces usines d’assemblage que sont les usines automobiles mexicaines, sont partie prenante d’un espace industriel de plus en plus intégré.
De la même façon, l’arrière-cour industrielle automobile de l’Europe s’étend maintenant au Maroc et à la Turquie avec une concurrence et une substitution possible des productions entre usines de cette Europe élargie. Les mêmes recettes de la mondialisation s’appliquent partout.
Des échanges d’automobiles toujours en croissance dans le monde
En même temps, les échanges mondiaux de voitures entre ces grandes zones ont continué d’augmenter, même si avec un rythme de 2,3 %, il est inférieur à celui de la production mondiale de voitures, 3 % l’an depuis 2010.
En Europe, la part des exportations dans la production d’automobiles est passée de 22 % en 2010 à 30 % en 2015. Loin d’être un territoire « passoire », l’Union européenne est devenue, et de très loin, la principale zone exportatrice d’automobiles du monde.
Qui aime les grosses bagnoles américaines ?
Les États-Unis sont en revanche le grand pays qui affiche vis-à-vis du reste du monde le déficit commercial « automobile » le plus important. Il a augmenté de 50 % depuis 2010, alors que la baisse de salaires a pourtant réduit les écarts avec les autres pays. Seuls 10 % des voitures produites aux États-Unis (trois fois moins qu’en Europe) sont exportées. Le Mexique n’a rien à voir avec cela. La raison principale tient au fait que les modèles gouffres en pétrole produits aux États-Unis trouvent peu d’acheteurs ailleurs.
Les firmes automobiles nord-américaines demeurent profitables du fait de leurs profits réalisés aux États-Unis, de leurs investissements et de leurs ventes répartis partout dans monde. Mais cela n’entraîne ni création d’emplois sur le territoire nord-américain ni équilibrage du commerce extérieur. L’industrie automobile aux États-Unis n’est pas sortie de sa crise, et les déclarations de Trump en sont le symptôme et peuvent être davantage que des gesticulations post-électorales. Le venin nationaliste distillé par Trump est une sinistre illusion.
Alors que les ventes de voitures se stabilisent en Europe et en Amérique du Nord, et que les échanges automobiles se complexifient, des relocalisations ici sont nécessairement des délocalisations ailleurs. Trump, c’est la porte ouverte à la guerre commerciale qui ne « protège » ni les délocalisés ni les relocalisés.
Jean-Claude Vessilier