Publié le Samedi 22 octobre 2022 à 18h00.

Pour les patrons de l’automobile, la stratégie c’est gagner plus en produisant moins

Si les ventes de voitures ont chuté ces deux dernières années, les profits ont augmenté pour les constructeurs qui se concentrent sur une plus faible production, plus chère et plus rentable, mais toujours aussi polluante. Sans aucun égard pour les emplois ni les salaires.

En 2021, la rentabilité des 16 principaux groupes automobiles mondiaux a atteint son plus haut niveau au cours des dix dernières années. Elle s’est établie à 8,5 %, soit près de 5 points de plus qu’en 2020. Elle était de 6,3 % en 2017 avant la pandémie. Mesuré en milliards d’euros leurs bénéfices totaux se sont élevés en 2021 à 134,2 milliards d’euros. Ils ont plus que doublé par rapport à 2020, soit un gain de 84,1 milliards d’euros dépassant de 34 % le montant record de 100 ­milliards d’eurosen 2017.

Tous les groupes automobiles ont augmenté leur rentabilité en 2021. Tesla, le fétiche des boursi­coteurs, est la marque qui a enregistré la rentabilité la plus élevée (12,1 %), suivie par BMW (12 %) et Mercedes-Benz (12 %).

Rentabilité record pour Stellantis

Stelllantis, résultant de la fusion entre PSA et Fiat, affiche 8 milliards d’euros de bénéfices au premier trimestre avec un chiffre d’affaires de 88 milliards d’euros en hausse de 17 % et une rentabilité de 14 %, un chiffre encore jamais atteint par un constructeur généraliste en Europe. Stellantis devient ainsi le troisième constructeur automobile le plus rentable derrière Tesla et Mercedes.

Les résultats de Renault sont eux aussi des motifs de satisfaction pour les actionnaires et financiers. Le départ de Renault de Russie, deuxième marché pour le groupe, lui « aurait » coûté 2,3 milliards d’euros. Le conditionnel est nécessaire car ce chiffre ne désigne pas de l’argent net mesurable et sorti des caisses de l’entreprise, mais est le résultat d’évaluations comptables arbitraires. Dans ce contexte, la perte affichée « n’est que » de 1,35 milliard d’euros : près d’un milliard d’euros rattrapés en six mois ! Et la rentabilité atteint le niveau de 5 %. Moins que chez Stellantis, mais plus que du temps de Carlos Ghosn où elle était en moyenne de 3 %.

Des ventes de voitures en baisse depuis 2020

Ces résultats records sont obtenus alors que les ventes d’automobiles, en baisse, sont passées dans le monde de 77,8 millions en 2019 avant la pandémie à 67,5 millions en 2020 et à 71,7 millions en 2021. En Europe, la baisse est de – 14 % au cours des six premiers mois de l’année 2022 par rapport à 2021. Sur la même période, sur la ligne « total monde », Stellantis a vendu 7 % de voitures en moins et Renault 12 %.

La production post-pandémie a aussi baissé. Cela tient à la rupture des chaînes de production mondialisées qui s’est particulièrement manifestée dans le domaine des semi-conducteurs. Toute l’industrie mondiale est devenue, pour les semi-conducteurs les plus avancés, dépendante d’un seul fabricant basé à Taïwan. De mois en mois, la date de la fin de cette crise recule et n’est maintenant envisagée que pour le courant de l’année 2023. Accrue par la politique du zéro stock, elle entraîne la mise en chômage technique de nombreuses usines sans vraiment de préavis.

Des voitures plus chères produites pour les plus riches

Les firmes automobiles produisent et vendent moins de voitures tout en gagnant plus. Entre 2019 et 2022, le prix moyen des voitures neuves a augmenté de 21 %. Trouver des acheteurs pouvant suivre ces hausses de prix est rendu possible par les inégalités de revenus et de patrimoines majorées par la phase actuelle de l’économie capitaliste.

L’arrivée des voitures électriques, 50 % plus chères que les voitures thermiques comparables, va amplifier cette tendance à la hausse du prix des automobiles neuves de plus en plus réservées aux plus riches.

Il est probable que cette course vers les plus riches trouvera des limites. Les firmes capitalistes ont en effet tendance à se précipiter toutes ensemble vers les stratégies et les gisements de profits les plus intéressants du moment. D’où une concurrence plus aiguë et des déconfitures capitalistes dont les premières victimes sont les travailleurEs.

Les firmes automobiles n’ont aujourd’hui pas encore épuisé les gains qu’elles escomptent tirer de cette stratégie. Elles espèrent pouvoir continuer à gagner plus, même en produisant moins. Gagner plus tout en polluant, en supprimant des emplois et en bloquant les salaires suscitera de plus en plus d’indignation. L’enjeu est d’empêcher les firmes automobiles de continuer à nuire.