En France comme ailleurs (Espagne, Pologne, États-Unis...), l’offensive réactionnaire s’en prend violemment à nos droits, en particulier à l’interruption volontaire de grossesse. Le point sur la situation.
Pourquoi l’IVG revient-elle à l’ordre du jour des débats politiques ?
C’est autour de la candidature de Fillon à la primaire de la droite que le sujet est revenu par la fenêtre dans les médias, sa position hostile à l’égard de l’IVG lui ayant permis de marquer sa différence, mais aussi le pseudo débat en cours au sein du FN. Pourtant, ce n’est qu’une déclinaison de plus de l’offensive générale contre les droits des femmes et des LGBTIQ aujourd’hui en France. Si les centres IVG ferment, c’est aussi le cas des maternités, et la création de places en crèche est très insuffisante par rapport à la demande. Une preuve supplémentaire qu’être « anti-choix », ce n’est pas être « pro-enfants ».
En Île-de-France, la présidente de région Valérie Pécresse, après avoir supprimé le Pass contraception pour les personnes mineures, annonce la fin des subventions de région en faveur des recherches sur le genre, les inégalités et les discriminations. Une décision au parfum de Manif pour tous, alors que l’accès à la PMA est toujours réservé aux seuls couples hétérosexuels et que les questions LGBTIQ sont devenues depuis trois ans un des champs de bataille politique dans les débats publics.
Dans ces circonstances, et au vu de l’actualité internationale, il était à prévoir que les courants les plus en défense du patriarcat attaquent aussi sur la question de l’IVG. Ainsi, dans la suite de « l’IVG de confort » de Marine Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen déclare que l’IVG « n’est pas un droit fondamental »...
Peut-on considérer aujourd’hui que l’IVG est un droit acquis ?
Que ce soit en France ou ailleurs, l’accès à l’IVG est toujours l’objet d’un bras de fer entre le mouvement féministe et les mouvements « anti-choix ». Quand il ne s’agit pas d’interdiction légale, les attaques prennent des formes multiples. Que ce soit par des mobilisations idéologiques et la désinformation (prières de rue devant les centres IVG, faux sites web d’information...), l’entrave à l’IVG a beau être légalement punie, elle reste tolérée dans les faits. Certaines prières de rue sont toujours mieux acceptées que d’autres… Par ailleurs le nombre de médecins refusant de pratiquer cet acte au nom de leur « clause de conscience » doit nous interroger : ainsi, en Italie, il atteint aujourd’hui près de 70 % et pose un réel problème d’accès.
D’autre part, les coupes dans la fonction publique hospitalière, avec la loi HPST de 2009, et la logique de fusion des établissements de santé pour créer des pôles monstrueux, ont réduit le maillage sur le territoire, rendant bien plus difficile en pratique l’accès à l’IVG. Les IVG sont en effet réalisées par un très petit nombre de centres restants : 5 % des centres réalisent 23 % des IVG.
Les réductions massives de personnel comme la généralisation de la tarification à l’activité entraînent aussi mécaniquement une baisse des rendez-vous possibles, et il est de plus en plus compliqué pour les femmes qui le souhaitent d’avorter dans les délais légaux. Selon une enquête du Planning familial, plus de la moitié d’entre elles n’ont d’ailleurs pas eu le choix de la méthode ou n’ont pas vu leur choix respecté.
Enfin, alors que 200 000 personnes avortent toujours chaque année en France, 130 centres IVG ont fermé en 10 ans. Les inégalités territoriales et sociales s’aggravent. Chaque année, on compte 5 000 voyages pour réaliser des IVG en Hollande, Espagne, Angleterre, parce que le délai légal de 12 semaines est trop court.
Quelles propositions peut-on avancer ?
La première mesure est bien sûr la réouverture des centres IVG sur tout le territoire. Pour améliorer la rapidité et la qualité de la prise en charge, le Planning familial demande aussi que les centres de planification soient également autorisés à pratiquer les IVG instrumentales. De même, les sages-femmes qui peuvent pratiquer des IVG médicamenteuses pourraient aussi réaliser les aspirations instrumentales jusqu’à 14 semaines d’aménorrhée. Enfin, il est urgent de supprimer la « clause de conscience » pour l’IVG.
Nous défendons le financement et l’ouverture des centres IVG à hauteur des besoins, le recrutement de personnels qualifiés en nombre suffisant, et des campagnes d’information non biaisées. Les délais doivent aussi être rallongés, jusqu’à 22 semaines comme dans les pays les plus progressistes. Même l’Organisation mondiale de la santé recommande l’extension à 20 semaines.
Le contrôle de nos corps par nous-mêmes reste une dimension essentielle du combat féministe. Nous aurions tort de penser que les droits à l’IVG et à la contraception sont définitivement acquis, et les exemples récents de remise en cause doivent encourager toutes les générations à (re)prendre le combat. Une première date, en solidarité avec la mobilisation aux États-Unis, aura lieu le 21 janvier.
Commission nationale intervention féministe