Parfois nous avons la sensation que nous avons déjà tout dit. Nous avons dénoncé les violences avec #MeToo, nous avons balancé les porcs, nous avons hurlé « pas une de plus » chaque 25 novembre.
Nous avons parlé des viols que nous avions subis, parfois enfant (#MeTooInceste), souvent dans nos couples (#JeNaiPasConsenti). Nous avons crié les noms des femmes mortes sous les coups et nous avons soutenu celles qui avaient tué pour ne pas mourir. Nous avons dénoncé l’incompétence de la police avec #DoublePeine, nous avons dénoncé les violences dans les partis et dans les syndicats avec #RelèveFéministe. Nous avons dénoncé les violences gynécologiques avec STOPVoG, nous avons aussi parlé de celles vécues dans les bars (#BalanceTonBar), nous avons lutté contre la représentation des viols en internat de médecine, et des viols d’enfants dans les bandes dessinées.
Dans le monde, un tiers de femmes victimes de violences
Nous avons témoigné, nous avons parlé des violences physiques, morales, psychologiques mais aussi sociales et économiques partout où elles se déploient, dans les transports en commun, dans la rue, dans nos écoles, sur nos lieux de travail. Nous avons dénoncé les violences qui se multiplient en s’additionnant encore contre les femmes trans, lesbiennes, handies, racisées. Nous avons analysé ces violences, nous avons expliqué leur rôle dans un système de domination patriarcale qui vise à nous exploiter, à tirer le maximum de profits, à écraser en nous tout sentiment de révolte, à nous diviser. Nous avons proposé des solutions, nous avons chiffré les besoins, nous avons formé, nous avons écrit.
Plus personne ne peut faire semblant d’ignorer la situation dans laquelle nous sommes tous et toutes collectivement : dans le monde, une femme sur trois subira des violences.
Parler de ces violences, se répéter encore et toujours, c’est avoir la conviction que les choses peuvent changer. En fait, c’est bien simple : les choses doivent changer. Premièrement parce que vivre dans cette société patriarcale est insupportable et intolérable mais aussi parce que le backlash (retour de bâton) réactionnaire et masculiniste a déjà lieu. Le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes nous le confirme : le sexisme ne recule pas, mais certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent. La surmédiatisation du procès de Johny Depp, que son ex-compagne Amber Heard accusait de violences et de viol en est aussi une manifestation. La vague écœurante de soutien à Johnny Depp a été comme un rappel à l’ordre patriarcal dans le monde entier. Dans le même temps, les stages masculinistes poussant les hommes à développer « tout leur potentiel de dominant » se multiplient et trouvent un public chez ceux qui voudraient maintenir l’ordre établi et les inégalités.
Droit à une retraite des vivantes et à vieillir sans coups
Manifestement les choses ne changeront pas toutes seules, cela ne pourra être que le produit d’un rapport de forces. Lorsqu’un système de violence est ancré aussi profondément, le déraciner demande une unité militante et combative. Il faut donc construire dès que nous en avons l’occasion les associations et organisations féministes, y compris construire au sein de nos partis et de nos syndicats les structures pour nous libérer de l’oppression patriarcale. C’est tout ce travail de fond et toutes ces mobilisations qui nous permettront ensemble de construire un mouvement féministe de masse capable de renverser le système parce qu’abolir les violences sexistes et sexuelles nécessite une transformation révolutionnaire de la société. C’est la raison pour laquelle ce 8 mars, en pleine bataille contre la réforme des retraites, peut et doit aussi avoir une portée contre les violences : oui, nous militons pour le droit à une retraite des vivantes, pour le droit à vieillir, sans mourir sous les coups.