Une synthèse réalisée par l’association Survie.
6 avril 1994 | Vers 20 h 30, destruction de l’avion (piloté par trois Français) transportant le président du Rwanda, Juvénal Habyarimana et le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira.
En moins de 3/4 d’heure, avant même que la nouvelle soit annoncée à la radio, des barrages sont installés aux grands carrefours de Kigali, et les rues principales se jonchent de cadavres. La Garde présidentielle interdit à la MINUAR [force de l’ONU] de se rendre sur les lieux de l’attentat. Le commandant français de Saint-Quentin y a accès.
7 avril 1994 | Assassinat du Premier ministre rwandais, Agathe Uwilingiyimana, de plusieurs ministres et responsables politiques hutus démocrates. Massacres de Rwandais tutsis, de ceux qui les protègent et des partisans d’une politique de conciliation nationale. Extension hors de Kigali des massacres de Tutsis et de ceux qui les protègent. Massacres dans les paroisses de Zaza (10 et 12 avril), Kabarondo (13 avril), Nyarubuye (14 avril), Kibungo (15 avril), Shangi (17 avril)…
8 avril 1994 | Selon le colonel belge Luc Marchal, de la MINUAR, l’un des avions français destiné au rapatriement des Européens résidant au Rwanda était chargé d’armes au profit des FAR.
9 avril 1994 | La France et la Belgique envoient des troupes à Kigali et commencent l’évacuation des expatriéEs. Le gouvernement français organise aussi l’évacuation sur Paris d’Agathe Habyarimana – cofondatrice de RTLM [Radio télévision libre des Mille Collines] et co-inspiratrice des « réseaux Zéro ». Sa famille est au cœur du dispositif génocidaire. Seront aussi ramenés et hébergés à Paris, entre autres, ses frères Séraphin Rwabukumba et Protais Zigiranyirazo – personnage central du Hutu power – ainsi que l’idéologue Fernand Nahimana, père spirituel de RTLM.
L’ambassadeur de France Jean-Michel Marlaud fait détruire précipitamment toutes les archives. Son ambassade est largement ouverte au personnel politique de l’ancien régime (mais non aux Tutsis menacés d’extermination). Il aide à rendre « présentable » la liste du Gouvernement intérimaire rwandais (GIR), par lequel le Hutu power s’empare de l’exécutif (en contradiction avec les accords d’Arusha, dont elle a assassiné nombre des protagonistes).
10 avril 1994 | Un commando militaire français est envoyé au point de chute de l’avion présidentiel.
12 avril 1994 | Offensive à Kigali des forces du FPR contre l’armée de l’ancien régime.
La France, la Belgique... ferment leurs ambassades. Exode du personnel diplomatique.
21 avril 1994 | Au Conseil de sécurité, la France vote la réduction de 2 700 à 450 du nombre des Casques bleus et observateurs présents au Rwanda.
Fin avril 1994 | Le représentant de la France au Conseil de sécurité s’oppose à ce que celui-ci qualifie de « génocide » les massacres perpétrés contre les Tutsis du Rwanda.
Paris reçoit le « ministre des Affaires étrangères » du GIR Jérôme Bicamumpaka.
9-13 mai 1994 | Visite d’Efrem Rwabalinda, adjoint du chef d’état-major des FAR (le général Augustin Bizimungu), à la mission militaire du ministère de la Coopération – commandée depuis un an par le général Jean-Pierre Huchon. Une aide militaire multiforme est promise, un matériel de communication cryptée est fourni, pour maintenir le contact des FAR avec Paris. Le général Huchon apporte ses conseils pour « retourner l’opinion internationale » en faveur du camp génocidaire.
17 mai 1994 | Le Conseil de sécurité vote le déploiement de 5 500 Casques bleus au Rwanda et l’embargo sur les armes à destination de ce pays. Soutenant la position du représentant du GIR, celui de la France s’était efforcé d’empêcher cet embargo.
22 mai 1994 | Succès militaire du FPR à Kigali. Les FAR perdent le contrôle de l’aéroport.
25 mai 1994 | La Commission des Droits de l’Homme des Nations unies vote une résolution indiquant que « des actes à caractère de génocide ont pu survenir », décide l’envoi au Rwanda d’un rapporteur (René Degni-Segui) pour enquêter sur les violations du droit humanitaire international.
25 mai 1994 | D’avril à juin, les FAR sont ravitaillées en armes et munitions par des Boeing 707 atterrissant à Goma (Zaïre). Toutes les sources sur place se déclarent certaines que ces livraisons d’armes ont été « payées par la France ».
11 juin 1994 | À Paris, le Quai d’Orsay déclare que la communauté internationale devra prendre de nouvelles initiatives, si les combats et les exactions se poursuivent.
22 juin 1994 | Sur proposition de la France, le Conseil de sécurité autorise une intervention armée humanitaire au Rwanda. La résolution ne prévoit pas la poursuite des responsables du génocide – qui a déjà fait quelque 500 000 victimes.
L’intervention française est condamnée par le FPR et les partis démocratiques rwandais – notamment le Premier ministre désigné par les accords d’Arusha, Faustin Twagiramungu.
23 juin 1994 | Entrée officielle des forces françaises au Rwanda, par Cyangugu.
28 juin 1994 | Publication du rapport des Nations unies (René Degni-Segui) sur le génocide des Tutsis et les massacres de Hutus au Rwanda.
4 juillet 1994 | L’armée de l’ancien régime est refoulée de Kigali et de Butare, contrôlées désormais par le FPR. La France crée une « Zone humanitaire sûre » (ZHS) au sud-ouest du Rwanda.
13 juillet 1994 | Début d’un exode massif de Rwandais vers le Zaïre.
19 juillet 1994 | Un gouvernement d’union nationale est formé à Kigali.
Juillet-août 1994 | Durant l’opération Turquoise, la plupart des responsables du génocide (dont les animateurs de RTLM) se replient sur la ZHS avant d’aller à Bukavu (Zaïre). Aucun n’est interpellé, pas plus que les préfets, sous-préfets ou chefs miliciens qui ont, localement, organisé les massacres. Le chef des FAR, le général Bizimungu, est aperçu à Goma dans un véhicule de l’armée française.
Des officiers français dissuadent de rentrer à Kigali ceux des officiers des FAR qui souhaitent renouer avec le gouvernement d’union nationale.
En ZHS ou à Goma, la plupart des militaires oublient les calculs géopolitiques qui les ont envoyés là pour accomplir un incontestable travail humanitaire.
21 août 1994 | Fin de l’opération Turquoise.