Publié le Vendredi 6 décembre 2024 à 18h00.

Pétrole en Afrique : avec l’UE, c’est sang pour sang de profits

Pour protéger ses multinationales pétrolières, l’Union européenne n’hésite pas à financer des armées de dictatures africaines.

Cabo Delgado, situé au nord du Mozambique, est le lieu d’une guérilla djihadiste qui a débuté en 2017 lors d’une attaque de postes de police de la ville de Mocímboa da Praia. Ce groupe est formé de jeunes qui ont mis en cause les pratiques de l’islam des populations, la jugeant non conforme.

Le péril jeune

Cette milice baptisée Ash-Shabab, signifiant « les jeunes », a fait allégeance à l’État islamique. Au-delà de la dimension religieuse, leur propagande dénonce la corruption du gouvernement et l’appropriation des terres des villageoisEs pour piller les ressources naturelles. Aux causes religieuses et économiques de cette guérilla s’ajoutent des motivations communautaires. Au fil des ans, les djihadistes se sont renforcés grâce à l’adhésion, forcée ou non, d’une partie des populations.

Cette situation est le principal obstacle pour l’exploitation d’un des plus grands gisements de gaz. Des entreprises états­unienne (Exxon Mobil), italienne (Eni) ou française (TotalEnergies) s’y sont positionnées. Cette dernière a investi plus de 20 milliards de dollars dans l’installation d’infrastructures qui ont causé l’expulsion des populations de leurs terres.

Au service des multinationales

Le gouvernement mozambicain s’est refusé à tout dialogue ou réformes qui auraient pu désamorcer le conflit. Il a choisi la manière forte en utilisant l’armée pour régler cette affaire en vain, puis l’emploi des mercenaires de Wagner qui a tourné au désastre. Les autorités ont fait appel à la SADC, la communauté de développement de l’Afrique australe. Elle a déployé une mission militaire qui a pris fin en juillet 2024 avec un bilan mitigé. Les forces rwandaises, également présentes, ont réussi seulement à établir un cordon protecteur autour des ­installations industrielles.

L’Union européenne a participé aux financements de toutes ces interventions militaires par le biais de la FEP (Facilité européenne pour la paix) et par des missions de formation militaire dans le cadre de EUMAM-Mozambique, ­financées à hauteur de plus de 80 millions d’euros.

Financer un pays envahisseur

Les troupes rwandaises ont bénéficié également de 20 millions d’euros l’année dernière. La France et l’Italie ont insisté avec succès pour que cette aide soit reconduite en dépit de l’agression militaire du Rwanda en République démocratique du Congo. Le récent rapport d’Human Rights Watch documentant la pratique systématique de la torture dans les geôles rwandaises n’aura pas infléchi la décision. Si ce versement est assujetti à des conditionnalités pour la forme, elles ne pourront être contrôlées, si tant est que l’Union européenne en ait la volonté.

Quant à TotalEnergies, elle participe à la politique de sécurisation en versant des primes aux militaires mozambicains de la Joint Task Force, structure dédiée à la protection du site gazier. Elle s’est illustrée par des graves violations des droits humains dans l’enceinte même de la multinationale, mais peu importe pour elle, business is business.

Paul Martial