La rapide progression des troupes rwandaises en RDC, illustrée par la prise de Goma, n’éclaire pas pour autant les intentions du Rwanda.
La capitale du Nord-Kivu, Goma, est tombée. Les troupes conjointes de la milice M23 et du Rwanda ont vaincu le dispositif déployé en urgence pour défendre la ville. Il était composé du bataillon spécial de la Monusco (Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en république démocratique du Congo), et des troupes de l’Afrique du Sud déployées dans le cadre de la Sadec, la structure régionale de l’Afrique australe.
Incertitude sur la politique rwandaise
L’avancée du M23 et des troupes rwandaises dans l’est du pays qui compte le Nord et le Sud-Kivu ainsi que l’Ituri semble inéluctable. Le président congolais Félix Tshisekedi a fait appel à une société de mercenaires roumains censée faire la différence grâce à l’utilisation de drones. C’était compter sans l’efficacité de la défense anti-aérienne et du brouillage GPS de l’armée rwandaise rendant ces armes inopérantes.
Dans les territoires conquis, les miliciens du M23 ont mis en place une nouvelle économie permettant l’exploitation du coltan et de l’or dont la production est acheminée au Rwanda. Les pertes pour le Nord-Kivu sont estimées à 7 millions de dollars par mois. Au-delà de l’aspect économique, les objectifs du Rwanda restent flous. En effet, si l’ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, Vincent Karega, a déclaré que les miliciens du M23 « vont continuer dans le Sud-Kivu, parce que Goma ne peut pas être une fin en soi » il a été démenti aussitôt par le ministère des Affaires étrangères de Kigali. Cependant, James Kabarebe, important dirigeant du pays des Mille Collines, revendique les deux régions comme historiquement rwandaises.
Dans le même temps, Corneille Nangaa le dirigeant de l’Alliance du fleuve Congo (AFC), qui se veut l’aile politique du M23, affirme : « Notre objectif n’est ni Goma ni Bukavu mais Kinshasa, la source de tous les problèmes ». L’AFC déploie beaucoup d’effort pour tenter de fédérer les différentes milices armées qui pullulent dans la région. Au vu de la situation, il n’est pas exclu que certains wazalendo (les patriotes en kiswahili) qui se battaient aux côtés des forces armées congolaises ne changent de camp.
En tout état de cause, quel que soit l’objectif du Rwanda, transformer la région Est de la RDC en une sorte de dominion ou renverser le pouvoir au profit d’un gouvernement associé, voire subordonné à Kigali, le défi pour le Rwanda est l’administration de ces vastes territoires.
La RDC isolée
C’est évidement un coup dur pour Tshisekedi qui avait fait de la défense de la souveraineté son principal argument électoral lors des dernières élections présidentielles. Il appelle à l’unité nationale, exhorte la jeunesse à s’enrôler dans l’armée. Il annonce une contre-offensive qui risque de ne pas dépasser le stade de la rhétorique vu l’état de délabrement de l’armée congolaise d’autant que peu de pays de la région souhaitent s’investir militairement.
Au niveau diplomatique, ce n’est guère mieux. Certes la plupart des pays ont condamné la prise de Goma mais dans des termes généraux s’en assortir ces déclarations de quelconques mesures dissuasives. Les pays occidentaux n’ont guère envie de se fâcher avec le président rwandais Paul Kagamé qui reste un fidèle soutien du camp occidental en protégeant les infrastructures des majors pétrolières, dont TotalEnergies, au Mozambique. De plus son libéralisme autoritaire n’est évidemment pas pour déplaire à Trump et consorts.
Les voix de la « négociation » semblent aussi être dans l’impasse. Tshisekedi a décliné l’invitation du Kenyan William Ruto pour une réunion avec Kagamé. Il a préféré se rendre en Angola où le président João Lourenço a mené un travail de médiation entre les deux pays. Lourenço a dénoncé la prise de Goma par les RwandaisEs au risque de saper sa neutralité auprès de Kigali.
Dans cette guerre, ce sont les populations civiles qui paient le plus lourd tribut de l’agression du Rwanda en RDC notamment les femmes et jeunes filles victimes de viols et d’agressions sexuelles dont le nombre a explosé.
Paul Martial