L’État né de la guerre d’indépendance contre le Royaume-Uni qui fonda les États-Unis défendait la liberté de commercer et d’entreprendre.
Il se construisit en massacrant les Indiens, sur la sueur et le sang des esclaves noirs, contre les Blancs pauvres. Il se construisit à travers les guerres visant à étendre son territoire et à garantir la sécurité de ses navires. La force fut l’accoucheuse des nouveaux rapports économiques capitalistes, les rapports d’exploitation salariée se sont développés et perpétués par la violence politique...
« L’Amérique aux Américains »
Libérée de la domination britannique, la bourgeoisie du nouveau continent lança le mot d’ordre « l’Amérique aux Américains », appelé la doctrine Monroe (1823), qui justifie sa politique expansionniste, la fameuse « conquête de l’Ouest » combiné à la guerre contre le Mexique pour conquérir la Floride, le Texas, puis les anciens territoires espagnols, soit tout l’Ouest américain.
Le Mexique perdait 40 % de son territoire, les États-Unis augmentaient le leur d’un tiers. Face au Sud qui demeurait une sorte de colonie de la Grande-Bretagne qu’il alimentait en coton brut, le Nord avait besoin des moyens de mettre en œuvre une politique permettant son développement industriel.
Ce conflit déboucha sur la guerre de Sécession déclenchée par l’élection de Lincoln à la présidence en 1861. Lincoln était du Nord et anti-esclavagiste, onze États du Sud déclarèrent leur indépendance, et firent sécession. Lincoln et l’Union refusèrent, d’où cette guerre civile qui dura quatre ans. Ce fut la première guerre industrielle, la plus meurtrière que les Américains aient jamais connue. Le conflit fit 600 000 morts, 2 % des Américains, autant que toutes les autres guerres des États-Unis cumulées, de celle pour l’indépendance à la guerre du Viêtnam.
L’ensemble du pays unifié sous la direction du Nord allait rivaliser avec la Grande-Bretagne et les autres nations industrielles. Une nouvelle époque s’ouvrait, les États-Unis avaient besoin de développer leurs exportations vers l’étranger, comme leur approvisionnement dans les ressources dont ils manquaient. Le sénateur Beveridge expliquait ainsi : « Les usines américaines fabriquent plus de produits que le peuple américain ne peut en utiliser ; le sol américain produit plus qu’il ne peut consommer. Le destin a tracé notre politique : le commerce du monde doit être à nous, il sera à nous... ».
« Le monde entier aux Américains »
Cette politique pour ouvrir des marchés se déguisa sous les idéaux de justice et de liberté des peuples, comme dans la guerre contre l’Espagne pour l’indépendance de Cuba ou pour « libérer » les Caraïbes et l’Amérique centrale, devenus l’« arrière-cour » des États-Unis, comprenant puis plus tard l’ensemble de l’Amérique du Sud et du Pacifique. Théodore Roosevelt en résumait l’essence : « J’ai toujours aimé, disait-il, le proverbe d’Afrique de l’Ouest : “Parle doucement, porte un gros bâton, et tu iras loin’’. »
La guerre de 1914 mit définitivement fin à la doctrine Monroe. Le commerce extérieur des États-Unis fut dopé, ils devinrent une grande puissance financière, et Wall Street la première place boursière au monde. À la fin de la guerre, leur nouvelle politique, impérialiste, prit le masque de la liberté et du progrès. Elle se prévalait des quatorze propositions du président Wilson pour le monde de l’après-guerre évoquaient l’autodétermination des peuples, l’intégrité territoriale des petits et des grands États, la fin de la diplomatie secrète, la liberté de navigation sur les mers, la limitation de la course aux armements et une « Société des Nations », ancêtre de l’ONU, destinée à mettre tout cela en œuvre en réponse aux principes des droits des peuples proclamés par la révolution russe.
« La guerre mondiale a définitivement obligé les États-Unis à renoncer à leur isolationnisme continental, écrivait Trotski en 1920. Élargissant son essor, le programme de son capitalisme national, – “l’Amérique aux Américains’’ – a été remplacé par le programme de l’impérialisme : “Le monde entier aux Américains’’ »...