Publié le Dimanche 26 juin 2022 à 14h00.

La nébuleuse anti-trans, entre réacs et pseudo-féministes

En France comme partout dans le monde, les mouvements anti-trans s’organisent. Qui sont ces militants et quelles stratégies ont-ils pour imposer la « question trans » dans le débat public ?

En février 2020, Marianne publie une tribune intitulée « Trans : suffit-il de s’autoproclamer femme pour être considéré comme telle ? » On y lit que l’oppression des femmes s’explique par la biologie, que les femmes trans ne sont pas des femmes, et les signataires de la tribune exigent qu’elles soient exclues des espaces féminins. En réponse, une tribune1 initiée par Toutes des femmes réunit la grande majorité du mouvement féministe contre la transphobie et pour dire que les luttes trans sont des luttes féministes.

L’argument de la « protection des enfants »

Outre le fait de faire croire qu’elles sont une menace pour les femmes cis, l’altérisation des personnes trans passe aussi par le fait de présenter la transidentité comme une « épidémie ». C’est ce que font des groupes comme « l’Observatoire de la petite sirène »2 des psychanalystes Céline Masson et Caroline Eliacheff. À l’encontre du consensus médical établi de longue date, ces groupes présentent les thérapies fondées sur l’acceptation de la transidentité comme un phénomène de mode dangereux pour les enfants et les jeunes. Leurs arguments ont été repris par des députés de droite pour défendre les « thérapies » visant à « convertir » les enfants trans en enfants cis.

Ces militantEs avancent masqués, en prétendant protéger les enfants et appeler à la prudence. Lorsque leurs propos sont critiqués, ils accusent les « transactivistes » de violence et de « cancel culture ». Ainsi, Masson et Eliacheff disent respecter les personnes trans, mais écrivent que la transidentité est une « mystification collective », symptomatique d’une « crise de la rationalité »3

Vraies transphobes, fausses féministes

L’activisme anti-trans se déploie aussi dans des milieux « féministes ». Dans le but de cliver les organisations autour de la « question trans », ces groupes ont pour tactique de perturber les manifestations4 pour mettre en scène un antagonisme entre les « transactivistes » et le mouvement féministe/LGBTI. Se prétendant défenseurs des femmes, ils finissent par attaquer les structures féministes jugées « pro-trans », en appelant à couper les subventions du Planning familial5 ou dégradant les locaux de la Maison des femmes de Montreuil6.

Ces « féministes » font le jeu des réacs, ennemis des femmes, et collaborent parfois formellement avec eux7. En France, elles militent aux côtés de masculinistes, d’anciennes de LMPT, etc., au sein de l’Observatoire de la petite sirène. Leur transphobie va souvent de pair avec l’islamophobie, expliquant le soutien de Marianne ou du Figaro, journaux pourtant antiféministes.

Le rôle de la transphobie est d’éviter que des individus ne brouillent par leurs transitions la prétendue naturalité de la hiérarchie sociale entre hommes et femmes. En réaffirmant la fixité du genre, on prétend que les destins de chacun sont déterminés par la biologie. Les attaques contre les personnes trans servent de cheval de Troie à celles contre les femmes et les LGBTI.

  • 1. En ligne sur : https://toutesdesfemmes…
  • 2. Des critiques sont disponibles sur : http://petitesirene.org/
  • 3. La Fabrique de l’enfant transgenre, éditions de l’Observatoire, 2022, p. 89 et p. 91.
  • 4. On peut citer par exemple l’agression subie par des femmes trans lors de la pride de Paris, en 2021.
  • 5. La Petite Sirène, « Le Planning familial doit renoncer au "lexique trans" », Marianne.fr, 11 janvier 2022. En ligne sur : https://www.marianne.net….
  • 6. https://www.facebook.com…
  • 7. Voir par exemple, sur les alliances entre « féministes » transphobes et conservateurs dans les pays anglo-saxons : Katelyn Burns, « The rise of anti-trans "radical" feminists, explained », vox.com, 5 septembre 2019. En ligne sur : https://www.vox.com/iden….