En tant que marxistes, nous ne nous faisons aucune illusion sur la prétendue neutralité de l’État, y compris démocratique.
L’État de droit, démocratique et égalitaire, en dehors des rapports sociaux de pouvoir et reposant sur une Constitution garante des libertés avec la séparation des pouvoirs, est un mythe, surtout en France où le régime de la 5e République peut se passer de l’Assemblée nationale.
On le voit d’ailleurs lorsque le capitalisme est en crise et que les institutions de l’État se maintiennent par la violence et l’autoritarisme.
Au final, l’État bourgeois produit domination sociale et répression pour maintenir les intérêts de la classe dominante. S’il existe des droits et libertés démocratiques, il sera toujours possible pour la bourgeoisie de revenir sur les acquis des luttes comme le droit d’association ou le droit de grève.
Ce n’est pas donc une institution neutre, perfectible, qui peut être gérée dans les mains de la classe des travailleurEs. Il faut la remplacer pour en finir avec la société de classes.
Justice et contre-pouvoirs
La justice, aux côtés de la police, est un outil indispensable à l’appareil répressif de l’État et à l’exercice de son pouvoir.
De par la composition de son corps, les professionnelLEs du droit sont structurellement issuEs de familles de cadres et de professions libérales, et de par les liens structurels qui existent avec le pouvoir d’État, l’institution judiciaire applique une justice de classe qui légitime l’exploitation, ce qui en fait un outil puissant de défense de l’idéologie dominante.
Les exemples ne manquent pas : des condamnations pendant le mouvement des retraites à celles des jeunes raciséEs, pendant les révoltes à la suite de l’assassinat de Nahel ou encore la répression des militantEs pour la Palestine.
Et les plus hautes juridictions que sont le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État ne sont jamais un contre-pouvoir à l’autoritarisme de l’exécutif. Pour prendre un exemple récent, les censures constitutionnelles de la dernière loi sur l’immigration dite « Loi Darmanin » de 2024 n’ont été que des censures de forme et pas de fond. De même, le Conseil d’État a validé l’écrasante majorité des décrets de dissolutions administratives depuis 2017.
Il nous appartient en conséquence de dénoncer ces illusions sur la légitimité d’un État neutre et chercher à l’affaiblir à chaque offensive de classe, en s’appuyant sur les luttes du mouvement social, car l’État de droit est un puissant vecteur de sous-mobilisation qui repose sur la confiance en l’État. C’est tout le raisonnement sur le fait que la répression étatique serait un dévoiement d’une gestion « normale » de l’État et qu’il serait possible d’en avoir une gestion démocratique alors que seule la fin du capitalisme permettra d’en finir avec l’exploitation du plus grand nombre.
En défense des outils démocratiques
En revanche, nous ne pouvons-nous contenter d’une simple critique de l’État de droit. Nous devons aussi défendre, à chaque offensive de la bourgeoisie, les acquis du mouvement ouvrier et nos droits démocratiques que nous articulons toujours à des revendications transitoires qui préparent leur dépassement.
En cela, nous ne sommes pas accélérationnistes : nous pensons qu’il ne faut pas se limiter à profiter de la répression étatique pour établir le rapport de forces, quitte à précipiter l’arrivée au pouvoir d’un régime plus autoritaire, voire fasciste.
Face à la dégradation du rapport de forces, nous défendons les outils démocratiques qui sont à notre disposition, afin de permettre au mouvement ouvrier de s’organiser et de construire la conscience de classe.
C’est le sens de notre mobilisation du 6 avril dernier contre le Rassemblement national et également de la tactique du front unique que nous avons appliquée dans le NFP aux dernières législatives.