Si les résultats de ce second tour confirment la tripolarisation du champ politique, ils ont aussi été considérés comme une grande surprise, dans la mesure où le RN, qui avait été le grand vainqueur du premier tour se retrouve en dernière position, tandis que le Nouveau Front populaire a acquis une majorité relative inattendue. Bien que ce constat nous réjouisse, les effets du scrutin majoritaire masquent toutefois la réalité des rapports de forces électoraux, puisque la répartition des sièges est loin de traduire la voix des urnes.
Bien que le RN et ses alliés n’obtiennent au second tour « que » 104 nouveaux sièges, ils ont toutefois réussi à rassembler un peu plus de 10,1 millions de voix. Ce spectaculaire matelas électoral représente 37,05 % des suffrages exprimés et constitue un ensemble d’autant plus impressionnant que le RN et ses alliés étaient absents de plusieurs circonscriptions, en particulier des 39 où ils avaient déjà obtenu un élu au premier tour.
Dynamisme électoral du RN
Il convient donc de ne pas se tromper sur le sens de ce second tour, en n’oubliant pas que l’échec du RN à obtenir la majorité des sièges de l’Assemblée nationale ne reflète pas son dynamisme électoral, que ce second tour a en réalité confirmé. Entre le second tour des législatives de 2022, où le RN avait rassemblé 3,5 millions de voix, et ce second tour des législatives de 2024, le parti de Marine Le Pen a réussi à presque tripler ses voix. Si les désistements massifs de l’entre-deux-tours ont fortement limité son gain en sièges, qui passent toutefois de 89 à 143, le RN a réussi une percée électorale majeure, qui en fait aujourd’hui, et de loin, la plus puissante et la plus dynamique des forces politiques françaises.
Le macronisme très affaibli
Le deuxième enseignement de ces élections vient de l’échec du bloc macroniste. Si Macron a pu récupérer une partie des voix qui s’étaient portées aux Européennes sur la candidature Glucksmann, les candidats macronistes n’ont pu rassembler dans ce second tour que 6,3 millions de voix et 23,1 % des suffrages exprimés. Ce résultat est en réalité artificiel, car une étude plus détaillée permet de montrer qu’une partie non négligeable de ce socle électoral provient des électrices et des électeurs de gauche, qui se sont massivement ralliés aux candidatures macronistes pour mettre en échec le Rassemblement national.
Là encore, il ne faut pas se tromper sur le sens de ces élections. Bien qu’au final, les macronistes récupèrent 168 sièges, leur poids électoral s’est en réalité considérablement affaibli. Après la déroute qu’ils ont connue aux Européennes, les marconistes n’ont pu rassembler, lors de ces législatives, que 60 % des voix que le Rassemblement national a recueillies. Si ce bloc centriste prétend se poser en pivot de la vie politique française, il ne constitue plus en réalité qu’une mouvance affaiblie et très friable, dont le poids réel est en net recul.
Le NFP juste derrière le RN
Malgré leur grande hétérogénéité, les forces qui composent le Nouveau Front populaire ont obtenu 7 millions de voix, autrement dit 25 % des suffrages exprimés. Elles perdent certes près de 2 millions de voix par rapport au premier tour, mais il s’agit là de la conséquence de leur stratégie de désistement, qui leur a aussi permis de faire élire 178 députés, en devenant la première force à l’Assemblée nationale.
Si le Front populaire a été devancé par le RN dans ces élections, il n’a pour autant pas été distancé par l’extrême droite, qui ne le précède que d’un peu plus d’un million de voix. En d’autres termes, dans le contexte actuel d’affaiblissement du macronisme, le Nouveau Front populaire est aujourd’hui le seul bloc en mesure de s’opposer à ce grand défi que représente l’essor du RN. Il a donc dans cette période une responsabilité toute particulière, puisqu’il constitue objectivement aujourd’hui la seule force capable de barrer la route du pouvoir au RN.