La France a construit sa richesse sur l’exploitation d’un empire colonial dès le 16e siècle. La traite atlantique a permis l’accumulation primitive essentielle au développement industriel, sur la déportation de millions d’AfricainEs, l’organisation des colonies en outil de production esclavagiste pour le rayonnement du commerce européen et l’enrichissement de la bourgeoisie française. La victoire de la révolution haïtienne prive la France de sa colonie la plus rentable. Elle va alors chercher d’autres territoires à exploiter à partir de 1830 avec la conquête de l’Algérie, et constituer en un siècle le second empire colonial. Ces colonies vont jouer un rôle central dans le développement économique et le rôle géopolitique mondial du capitalisme français, jusqu’à la vague de décolonisation des années 1950-1960. Qu’en reste-t-il ?
Les nouvelles formes de l’économie de comptoir
Les miettes de l’empire, ce sont 5 « DOM 1», Martinique, Guadeloupe, Guyane, la Réunion, Mayotte, et une dizaine de territoires dont les plus peuplés sont la Kanaky et la Polynésie. Soit 2,7 millions d’habitantEs, 885 000 à la Réunion, entre 200 000 et 400 000 dans les autres. Si la Kanaky, la Guyane et surtout Mayotte enregistrent une forte croissance démographique, la population diminue en Guadeloupe et Martinique.
Tous les échanges économiques entre les colonies et la France se font selon le modèle royal de l’« exclusif colonial » qui interdisait toute relation commerciale avec l’étranger, toute production risquant de concurrencer la métropole. Le monopole de pavillon a perduré en fait jusqu’à aujourd’hui.
Mais on n’est plus au 18e siècle : actuellement, les importations sont de 3 à 10 fois plus importantes que les exportations ! Y compris pour la Kanaky, qui produit 6,5 % du nickel mondial (30 % des ressources connues) ou même la Guyane avec l’or et le pétrole. L’agriculture reste structurée par les productions coloniales selon les pays : banane, canne à sucre, bois exotiques, vanille, ylang-ylang, elles jouent un rôle limité dans les échanges, et il n’y a pas d’autosuffisance alimentaire, par exemple en Martinique, seulement 20 % de culture vivrière. Dans la plupart, Antilles, la Réunion, Polynésie le tourisme joue un rôle central. Partout le secteur des services est crucial. Et en Guyane, le centre spatial de Kourou.
Les firmes françaises et leurs relais maîtrisent la chaîne d’approvisionnement. Le plus connu est le groupe martiniquais Bernard Hayot, descendant des esclavagistes qui domine la grande distribution, la vente automobile partout : Antilles, Guyane, la Réunion, Kanaky, certains pays africains, et fait la loi sur les prix. En Martinique, les prix sont plus élevés de 17 % en moyenne, de 40 % pour l’alimentation.
Des inégalités records
Les coloniséEs sont bien loin des niveaux de vie français : les taux de chômage « officiels » sont plus de deux fois supérieurs (entre 17 % et 23 %) voire quatre fois plus (Mayotte). Aux Antilles et en Guyane, une personne sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté local, fixé à 820 euros mensuels en Martinique, 790 euros en Guadeloupe, 550 euros en Guyane. À Mayotte quatre habitants sur dix vivent en dessous du seuil fixé à 160 euros mensuels.
La dépendance économique s’accompagne de mesures assurant une présence française. Fini le bagne ou les colonies de peuplement, la France subventionne des « compléments de rémunération » à 100 000 fonctionnaires, pour « compenser le coût de la vie plus élevé ». La majoration de salaire est de 53 % à la Réunion, 40 % aux Antilles et Guyane, plus de 73 % en Kanaky, à laquelle s’ajoutent selon les cas des indemnités d’éloignement, des primes d’installation (12 mois de traitement pour 4 ans de service), des réductions d’impôts de 30 % à 40 %, des congés bonifiés, des sur-pensions de retraite : un surcoût de plus d’un milliard chaque année 2 ! Tout cela amplifie les inégalités de niveaux de vie et les chocs avec la puissance coloniale.