Publié le Mercredi 10 juillet 2024 à 10h34.

Nouveau Front populaire : un sursaut unitaire et militant

La poussée du vote populaire en faveur des gauches unies a largement surpris. Une percée inattendue à l’issue d’un matraquage médiatique contre le Nouveau Front populaire (NFP) assez inédit.

Dans le pilonnage en règle auquel se sont livrés l’ensemble des médias dans un large consensus (qui rappelait la campagne menée en faveur du Non au Traité constitutionnel européen en 2005), aucun ingrédient ne manquait à la fabrication du cocktail censé dégouter les électrices et les électeurs de voter à gauche : procès non fondé en antisémitisme de Mélenchon, de LFI et pourquoi pas de l’ensemble du NFP ; fake news à gogo et mise au pilori de plusieurs candidats (souvent issu des quartiers populaires…) ; dézingage en règle du programme accusé de mettre l’économie en péril… 

L’offensive médiatique contre LFI

La la grosse artillerie a été sortie pour construire un véritable cordon sanitaire autour du NFP bien vite qualifié d’« extrême gauche », cordon destiné à culpabiliser toutes celles et ceux qui auraient manifesté l’envie de voter pour la gauche (voir l’article publié par l’association Acrimed sur son site1). Avec en accompagnement censé objectiver la chose, tous les instituts de sondage qui ont annoncé pendant plusieurs semaines la victoire absolue ou relative de l’extrême droite…

Cette construction politico­-médiatique — dont le tempo aura été donné par certains médias qui ont un agenda précis, notamment ceux aux mains de Bolloré — n’a vu comme éléments de résistance que la presse indépendante, cela dans un rapport de forces totalement inégal dont le seul point d’appui solide en nombre de lecteurs aura été Mediapart. Soulignons par ailleurs que ce sont ces mêmes médias de résistance qui ont organisé au côté d’une centaine de syndicats et d’associations le grand rassemblement « Libertés » qui a réuni 30 000 personnes jeudi 27 juin place de la République. 

Résistance des organisations ouvrières

La réaction des forces syndicales face au péril d’une arrivée de Bardella à Matignon vient de loin. Si la résistance au vote FN/RN est inégale (ainsi certains secteurs de Force Ouvrière largement pénétrés par la droite ou l’extrême droite via des collusions municipales ou patronales), cela fait par exemple bientôt trois décennies qu’est né VISA (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes) pour documenter et former contre l’incursion des idées d’extrême droite sur les lieux de travail. Rien de surprenant alors de retrouver les principales structures animatrices de VISA (CGT, Solidaires et FSU) dans la campagne, avec souvent des prises de position et apparitions autour de diffusions de tracts ou de participations aux manifestations et rassemblements. Certaines comme la CGT ou la FSU ont explicitement appelé à voter NFP, dans un double mouvement, contre l’extrême droite et pour la mise en place d’un socle de mesures sociales (où figure en premier lieu l’abrogation de la dernière grande contre-réforme issue d’une défaite sociale, celle des retraites).

Mobilisation populaire

C’est aussi la mobilisation des quartiers populaires, en particulier des raciséEs, qui a participé à la dynamique. Ainsi France Bleu mentionne que Raphaël Arnault, camarade de la Jeune Garde présenté par le NFP et élu député, a obtenu près de 80 % des voix dans certains quartiers populaires d’Avignon (75 % des voix au bureau de vote des Olivades sur la Rocade, 90 % dans le quartier de la Barbière, 83 % dans la cité Louis Gros), cela dans un contexte de forte participation. Et les exemples pourraient être multipliés, notamment concernant les votes des quartiers populaires en faveur des profils les plus radicaux du NFP (en particulier les candidatures issues de LFI). 

Outre une campagne électorale ramassée mais percutante menée par les organisations politiques, c’est bien cette mobilisation, tant du monde du travail que des quartiers, qui a fait la petite différence et contribué à inverser ce que l’on pensait être la tendance. Une mobilisation qui a travaillé en profondeur la société, combinant le rejet ou la peur de l’extrême droite à la volonté de transformation sociale, alors que la tempête médiatique battait son plein. C’est bien cette nouvelle lucidité qui constitue le principal espoir pour la suite. 

  • 1. « Les médias en guerre contre le Nouveau Front populaire », acrimed.org