À l’hôpital et pour les professionnelEs de santé, sur le « front » du Covid, les dernières semaines ont marqué un répit : moins de malades arrivant aux urgences ; moins de patientEs en réanimation, davantage de sorties, même si les décès restent nombreux. Mais l’effort des équipes, qui ont réussi à tenir pendant quelques semaines à un rythme et avec une pression insupportables, ne peut se poursuivre, a fortiori face aux « vagues » qui se préparent.La « décrue » est lente, et la pression reste forte. En dépit du manque de matériel de protection, toujours criant, beaucoup d’équipes peuvent souffler un peu, d’autant plus que l’épidémie ne s’étend pas dans les régions jusqu’alors peu touchées.
L’angoisse n’en a pas disparu pour autant. La sortie du «déconfinement» à partir du 11 mai inquiète. Les choix gouvernementaux de remettre les enfants à l’école, pour favoriser le retour à tout prix des parents au travail, crée toutes les conditions favorables à l’arrivée dans un système hospitalier fragilisé et épuisé d’une « seconde vague » de patientEs Covid qui le déborderait encore plus que la précédente, même si elle est de moindre ampleur.
Le retour des patientEs « non Covid »
Pour l’instant c’est l’arrivée, souhaitée, d’une autre « vague », qui se profile. Elle va nécessiter un surcroît de travail. On l’a parfois oublié, mais avant que l’épidémie commence, l’hôpital était en permanence au bord de la saturation, comme le montraient les urgences surchargées, les services bondés et l’impossibilité de trouver des lits pour les patientEs qui avaient besoin de soins.
Ces patientEs existent toujours, ils et elles ont toujours besoin de soins, mais n’ont pu y accéder pendant des semaines. Tout ce qui était considéré comme ne relevant pas d’une urgence absolue a été déprogrammé et reporté, les lits fermés, les soignantEs envoyés au « front » du Covid.
Ainsi, au CHU de Toulouse, 2 500 opérations ont été déprogrammées pendant le pic de l’épidémie.
Les patientEs eux-mêmes, dans la crainte du Covid, ont déserté les services hospitaliers et les cabinets médicaux. Les retards, même de quelques semaines, dans le diagnostic et le traitement de certains cancers, peuvent être dramatiques ; il en va de même des accidents vasculaires cérébraux. La possibilité d’accéder à l’IVG dans des délais rapides s’est restreinte. Isolées et confinées, des personnes âgées se laissent « glisser », tandis que des patientEs de psychiatrie, condamnés à un isolement strict en institution, ou sans soins à leur domicile, voient leur état s’aggraver.
Des équipes dépourvues face à une deuxième vague
Le retour de tous ces patientEs vers les soins nécessite un surcroît de travail, mais qu’en sera-t-il si, comme on peut le prévoir, le déconfinement non maitrisé du 11 mai, sans les mesures d’accompagnement indispensables, provoque un nouvel afflux vers les services hospitaliers ?
De ce point de vue, l’absence de masques distribués gratuitement à la population, l’incertitude sur les tests et sur la mise en place d’équipes capables de dépister et d’accompagner les personnes malades et leurs contacts ne peut qu’inquiéter.
L’effort des équipes, qui ont réussi à tenir pendant quelques semaines à un rythme et avec une pression insupportables, ne peut se poursuivre. Elles ont besoin de repos, et donc de renforts pour les remplacer. Elles doivent pourtant se contenter pour l’instant des paroles du gouvernement qui célèbre les héros… mais ne leur donne aucun moyen pour affronter l’avenir. Les personnels hospitaliers voient avec amertume les masques devenir un produit d’appel dans les rayons des supermarchés, alors qu’ils et elles en manquent toujours, et que les hôpitaux doivent « faire la manche » pour obtenir le matériel nécessaire. Ils voient partir des services les renforts provisoires venus leur prêter main forte. Ils ne voient par contre venir aucune solution durable pour affronter les mois qui viennent et en particulier la période estivale, où chaque année des lits et des services sont fermés pour permettre la prise des congés. L’inquiétude monte, sur la possibilité même de prendre les congés d’été, plus indispensables que jamais.
Sans budget supplémentaire, les directions hospitalières continuent de bloquer tout recrutement permanent et statutaire. L’heure est plutôt à obliger les personnels à prendre maintenant des congés et des RTT, pour se rendre disponibles plus tard, à élargir les plages de travail, à interpréter de la manière la plus restrictive l’attribution de la prime de 1 500 euros.
Pour faire face aux semaines qui viennent et pour commencer à redonner à l’hôpital les moyens durables de remplir ses missions, l’exigence d’un plan emploi-formation de 120 000 emplois pour les hôpitaux, commençant dès aujourd’hui par le recrutement statutaire de tous les personnels disponibles, de même que celle d’une augmentation de 300 euros pour touTEs, portées par les hospitalierEs, doivent devenir des revendications centrales de tout le mouvement social.