« Il faut nous débarrasser de la moitié des habitants. Le cœur de la ville mérite autre chose. » 1
Quinze ans après ces déclarations de l'adjoint au maire Claude Valette, sa dystopie continue son chemin à marche forcée, et s’est attaquée à la plus grande place de Marseille, à la Plaine, avec un projet mis en œuvre sous protection policière, très semblable à une opération militaire, par ses accrochages et rebondissements, ses tactiques… et ses échecs. Avec aussi la construction d’un mur : 1 000 tonnes de béton pour un coût de 390 000 euros… Des opérations de séduction ont également été organisées, avec l’apparition d’un collectif « apolitique » pro-travaux et la distribution d’un tract dans toutes les boîtes à lettres des quartiers avoisinants.
En face, une lutte protéiforme : de la résistance face aux nervis de l’État aux manifestations joyeuses et populaires, en passant par des référés, des petits- déjeuners pour aller à la rencontre des salariés des chantiers en place… Tous les moyens possibles sont utilisés pour renvoyer ce chantier aux oubliettes qu’il n’aurait jamais dû quitter. Chaque jour, des militantEs, sympathisantEs, voisinEs, se rendent aux différents points de rassemblements, l’entrée du chantier, les espaces encore accessibles autour de la Plaine, etc.
« Des révolutionnaires de pacotille »
La Plaine, îlot alternatif parmi d’autres, propice aux relations de proximité par son espace ouvert, aux initiatives solidaires, épine dans le pied de cette gouvernance à destination des plus riches et du touriste aisé, ne veut pas être cette place lisse et mortifère que la municipalité vomit sur les habitantEs et usagerEs du quartier.
« Je ne faiblirai pas, le chantier va se poursuivre comme prévu », martèle Gérard Chenoz, adjoint délégué au centre-ville et président de la Soleam, qui considère les opposantEs « comme des anarchistes, des révolutionnaires de pacotille, une minorité non représentative avec qui il est difficile de travailler. » On se souviendra que le même Gérard Chenoz déclarait, il y a plus de 15 ans : « Pour que les gens soient mélangés, il faut que certains partent. » 2
La mairie ne s’en cache pas. Sa priorité, ce sont les touristes, et notamment les croisiéristes.
Et ce peuple qu’elle a abandonné aux investisseurs et à leur rapacité, ne doit plus apparaître. Il leur faut des quartiers de carte postale, ils pensent avoir trouvé leur public et pressent l’actuel de sortir de la scène.
Un autre type de rénovation est possible
De sa tour d’argent, Gérard Chenoz ne peut pas voir que les collectifs rassemblent une bonne partie des phocéennes et phocéens. Une place, c’est un lieu où on se croise, où on discute, l’endroit où on découvre d’autres existences, où on dévoile une partie de la sienne, où on exprime son envie, ses expériences, ses attentes.
Un des collectifs a fait des propositions pour un autre type de rénovation, respectueuse des dynamiques existantes et activités sociales et économiques qui font la vitalité et l’attrait de ce quartier. Une rénovation faite en réelle concertation avec l’ensemble de la population. Cela va d’un entretien régulier de la place à la propreté après le marché, en passant par une dératisation de la butte des magnolias et de l’aire de jeux, le soin et l’entretien des arbres existants, la réduction à une voie de circulation, l’amélioration de l’accessibilité des piétons en élargissant les trottoirs en pied d’immeubles, notamment en correspondance des arrêts de bus, la multiplication des passages piétons, l’installation de nombreux bancs en vis-à-vis et de tables, de toilettes entretenues et gratuites, etc.
Les propositions pour renforcer l’usage de la place sont nombreuses, elles démontrent une véritable attente pour une réhabilitation de cet espace laissé à l’abandon, comme tant d’autres, par l’équipe de Gaudin. Le 1er novembre, une manifestation de soutien à la Plaine était organisée. Il y avait, en tête, un convoi composé d’un petit cercueil suivi d’une banderole noire « RIP simulacre de concertation, Soleam fossoyeur de la Plaine ». Les habitantEs ont la ferme intention de poursuivre le combat, et se sont de nouveau fait entendre, en masse, lors d’une manifestation organisée le 24 novembre.