S’il est difficile d’avoir une vision précise du nombre de journalistes en France et de leurs conditions d’exercice, un certain nombre d’enquêtes et de statistiques permettent de donner un aperçu de l’état de la profession.
Pour mémoire, et ce contrairement à une idée reçue, il n’y a pas besoin d’une carte de presse pour être journaliste. Selon le code du travail (article 7 111-3), « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques, ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».
La carte de presse est attribuée par la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) avec deux critères principaux : il faut tirer de l’activité de journaliste plus de 50 % de ses ressources, pour un total qui doit être supérieur à la moitié du SMIC brut. En d’autres termes, les journalistes les plus précaires et les moins bien payés ne peuvent bénéficier de la carte de presse (et il est donc difficile d’estimer leur nombre).
En 2019, 35 020 cartes de presse ont été attribuées par la CCIJP. De grandes disparités se cachent derrière ce chiffre, qu’il s’agisse du statut ou des revenus. Ainsi, certaines journalistes sont des salariéEs permanents en CDI, d’autres sont en CDD et d’autres sont rémunérés à la pige, donc au coup par coup. Les pigistes représenteraient aujourd’hui plus de 20 % des titulaires de la carte de presse, un chiffre en constante augmentation, qui témoigne d’une précarisation de la profession. Selon une enquête réalisée en 2018 par la Société civile des auteurs multimedia (SCAM), la proportion de pigistes et CDD chez les nouvelles et nouveaux encartéEs était de 70 % en 2018. Chez les moins de 35 ans, les pigistes seraient même devenus majoritaires (51 %).
Autre phénomène marquant de ces dernières années, le développement du statut d’auto-entrepreneur chez les journalistes. La SCAM indique ainsi que « [ce] statut s’est particulièrement développé dans des media émergents non couverts par des conventions collectives et notamment dans le web, mais il a largement dépassé ce cadre aujourd’hui, et de nombreuses revues et journaux mais aussi sociétés de production audiovisuelle tentent d’imposer ce statut à leurs collaborateurs et collaboratrices. »
Du côté des rémunérations, là encore les disparités sont importantes, entre les stars de la télévision, parfois payées plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois, et les journalistes « de base », mais aussi entre journalistes titulaires et journalistes précaires. Le revenu médian est ainsi de 2 800 euros net chez les titulaires, environ 1 500 euros net chez les pigistes et 1 470 euros net chez les journalistes en CDD. Des revenus qui baissent au fil des années : – 3 % pour les pigistes entre 2015 et 2019, – 1 % pour les CDI et – 4 % pour les CDD sur la même période.
Au total, et là encore contrairement aux idées reçues, les journalistes sont loin d’être des privilégiés : précarisation, revenus irréguliers et globalement en baisse, dégradation des conditions de travail. Une situation qui les met d’autant plus à la merci des propriétaires des médias et des hiérarchies rédactionnelles, et qui les fragilise face aux attaques répétées du pouvoir.