Le gouvernement prétend s'attaquer aux violences contre les femmes. Des mesures ont été prises depuis 2006, mais nous sommes encore bien loin de ce qu'il faudrait, et notamment des mesures de la loi cadre que réclament le CNDF et les associations féministes.
Les violences conjugales ou au travail sont des processus au cours desquels une personne utilise la force ou la contrainte pour promouvoir des relations hiérarchisées et de domination. Les violences physiques, psychologiques, sexuelles et économiques sont autant de moyens utilisés par l’agresseur pour établir un contrôle permanent. Dans la grande majorité des cas, les victimes sont des femmes.
Le recours à la violence n’a qu’un objectif : le contrôle et la domination de l’autre.
L’agresseur utilise toutes les formes de violences nécessaires pour établir cette relation de
domination. La victime est maintenue sous l’emprise de l’agresseur, isolée physiquement et socialement, détruite physiquement et psychologiquement.
Les violences s’exercent dans n’importe quel milieu quelque soit l’âge, l'origine ethnique, l’éducation, la religion, le statut marital, le niveau socioéconomique. Le 3619, qui reçoit les appels des femmes victimes de violences, en a traité 18 500 appels téléphoniques pour l'année 2008. 80 % des femmes subissant des violences ne portent pas plainte.
La répression, réponse principale
Depuis quelques semaines, nous pouvons voir sur les écrans une nouvelle campagne contre les violences psychologiques avec un très joli spot (il faut le reconnaître) de Jacques Audiard. Serait-ce le signe que le gouvernement a décidé de s’en prendre aux violences contres les femmes ?
Le 25 novembre 2008, lors du dépôt de la pétition (16 000 signatures) pour que le projet de loi-cadre du CNDF soit adopté, le gouvernement a mis en place une mission pour en évaluer la nécessité. Celle-ci doit rendre son rapport mi-juillet. Mais, il est à craindre que si solutions, il y a, elles soient de la même veine que ce qui existe déjà, à savoir, principalement la lutte contre les violences conjugales et les mariages forcés et dans une perspective répressive au détriment de la prévention et de l’éducation.
Car, en effet, les différentes mesures du gouvernement depuis 2006 se placent sur le terrain de la répression, puisqu’il s’agit surtout de traduire les conjoints, concubins ou partenaires violents en justice en considérant que le lien qui les unit à la victime est une circonstance aggravant du crime ou du délit. Par ailleurs, la qualité de conjoint ou de concubin « ne saurait être une cause d’atténuation de la responsabilité en cas de viol au sein du couple. » Toujours dans le cas d’un procès, l’interdiction d’accéder au domicile conjugal pourra être imposée dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve et du contrôle judiciaire.
Le volet sur les violences commises envers les mineurs vise à renforcer les moyens de lutte contre l’excision, le tourisme sexuel et la pédophilie.
Pour ce qui est des victimes, le gouvernement expérimente l'accueil familial. Ainsi, les femmes ayant subi des violences pourront aller dans des familles d'accueil agréées, non pas pour les assister mais « pour les rassurer par une présence chaleureuse et des conditions d'accueil mieux adaptées pour certaines que celles offertes par une structure collective ou un logement isolé » (circulaire du 18 juillet 2008). Ce genre de mesures évacue la nécessité de logement sociaux et assimile les femmes aux personnes âgées ou handicapées qui bénéficiaient déjà de cette possibilité.
Parallèlement le Relais Sénart, une structure qui travaille avec la Fédération nationale solidarité femmes (le 3619), a réfléchi au délit spécifique de violences conjugales, qui n'aurait pour but que la reconnaissance des types de violences employées, y compris psychologiques, et seulement dans le cadre de la sphère privée. Ce délit viserait à qualifier et définir les violences conjugales sans remettre en cause le principe de domination et de patriarcat.
Ce travail est à mettre en relation avec la loi-cadre proposée par le CNDF, qui inclut les violences conjugales.
Prévention et éducation
Le projet de loi-cadre contre les violences faites aux femmes élaboré par le CNDF en 2006 englobe toutes les violences, autant dans la sphère privée que publique, prévoit des mesures de sanction, mais aussi de prévention, accueil et accompagnement des victimes, leur protection, la garantie de revenus, le droit au séjour et l'accès au logement. Un volet traite de la formation initiale ainsi que la formation continue des professionnels de santé. Il s’agit de les sensibiliser et les former au dépistage des situations de violences ; de leur donner des outils pour la prise en charge de ces patients et pour une collaboration pluridisciplinaire dans leur ville ou région ; d’entamer un travail de fond sur le rôle du médecin face aux situations de violences faites aux femmes : signalement, secret médical, rédaction du certificat médical et détermination de l’incapacité totale de travail (ITT).
Il est crucial que toute loi contre les violences faites aux femmes prenne en compte que celles-ci sont autonomes et qu’il est nécessaire qu’elles accèdent à un emploi lorsqu'elles en sont privées. Mais la politique familialiste du gouvernement va à l'encontre de ces principes.
L’hypocrisie de Sarkozy
Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir « appliquer à tous les niveaux et dans toutes ses dimensions (salaires, responsabilités, reconnaissance sociale), l’exigence d’égalité », mais les notions de droits des femmes, d’égalité ou de parité ne figurent plus dans les intitulés des ministères ou des secrétariats d’Etat. Aujourd’hui, l’administration chargée de l’impulsion et de la mise en œuvre de cette politique, le Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE), est menacée de démantèlement. Sous couvert de modernisation de l’administration, la politique de l’égalité risque de se réduire à une approche cloisonnée, axée sur la cohésion sociale et l’action en direction des publics vulnérables : un petit bout dans la lutte contre les discriminations, un autre dans la lutte contre les violences… mais pas de prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques publiques. Par ailleurs, vouloir mettre en place une véritable lutte contre ces violences est contradictoire avec la suppression de tous relais avec les associations de terrain.
Il est évident qu’on ne peut attendre de ce gouvernement qu’il prenne les mesures dont les femmes ont besoin et nous continuons à nous battre pour que la loi cadre du CNDF soit adoptée.
Au travail aussi, les femmes subissent des violences
Le gouvernement a organisé une conférence tripartite gouvernement - patronat - syndicats le 26 novembre 2007 sur le thème de l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes. L’objectif en était de dresser un bilan de la loi de 2006 sur l’égalité salariale, mais aussi de lever les obstacles à l’évolution des carrières. Des lois existent mais ne sont toujours pas respectées. En effet, les femmes vendent leur force de travail, mais pas dans les mêmes conditions, dans les mêmes secteurs ni avec le même statut que les hommes. Elles sont moins payées, plus souvent et plus longtemps chômeuses. La concentration des emplois féminins n'a fait que s'accentuer dans six catégories professionnelles : la fonction publique, les employés, le commerce, les services aux particuliers, l'école (1er degré), et les professions intermédiaires de santé. Il faut aussi ajouter que les femmes se retrouvent sur des emplois peu qualifiés et précaires du tertiaire, c'est le cas pour les vendeuses, les caissières, les aides à domicile, les employées de ménage, les serveuses qui travaillent majoritairement à temps partiel sous des statuts très précaires, avec des horaires de travail éclatés et pour de faibles salaires. Les femmes représentent 80 % des travailleurs pauvres. Il y a 2,5 fois plus de femmes au Smic que d’hommes.
Quant au temps partiel, il est le plus souvent imposé : par exemple, dans le commerce ou le nettoyage, un grand nombre d’emplois sont directement créés à temps partiel. Et même quand il est « choisi », comme dans la fonction publique, il s’agit d’un choix conditionné par l’absence de partage des tâches domestiques et l’insuffisance des modes de garde.
Deux niveaux de violences contre les femmes coexistent. Le premier concerne l’organisation et les conditions de travail, les nouvelles méthodes de management. Souvent, les syndicats relèguent le harcèlement moral à un « problème individuel », alors qu’il s’agit bien d’une question collective. Les femmes en sont davantage victime que les hommes du fait des emplois qu’elles occupent, mais aussi du fait de la domination masculine qui conduit au deuxième niveau de violences à dénoncer.
Aujourd'hui avec la crise, la défense des droits des femmes risque d'être reléguée au second plan, alors que le gouvernement va toujours plus loin dans la remise en cause des acquis sociaux. Pour cela il faut prendre part à la mobilisation du 17 octobre 2009 à Paris qui est à l'initiative du CNDF et de Femmes solidaires, pour imposer d'autres choix au gouvernement Pour que l'égalité professionnelle et salariale femmes/hommes soit réelle, cela nécessite des lois contraignantes pour les entreprises, mais aussi la défense et l’amélioration des services publics et par la redistribution des richesses.
Alexandra Kléber et Fanny Michel.